Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.
315
DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

sa valeur courante ou son prix courant, quand c’est en monnaie courante que sa valeur est désignée.

Les besoins que nous éprouvons nous font désirer de posséder les choses qui sont capables de les satisfaire. Ces besoins sont très-divers, ainsi que j’en ai déjà fait la remarque. Ils dépendent de la nature physique et morale de l’homme, du climat qu’il habite, des mœurs et de la législation de son pays. Il a des besoins du corps, des besoins de l’esprit et de l’âme ; des besoins pour lui-même, d’autres pour sa famille, d’autres encore comme membre de la société. Une peau d’ours et un renne sont des objets de première nécessité pour un lapon, tandis que le nom même en est inconnu au porte-faix de Naples. Celui-ci, de son côté, peut se passer de tout, pourvu qu’il ait du macaroni. De même, les cours de judicature, en Europe, sont regardées comme un des plus forts liens du corps social ; tandis que les habitans indigènes de l’Amérique, les Tartares, les Arabes, s’en passent fort bien. Nous ne considérons encore ces besoins que comme des quantités données, sans en rechercher les causes.

De ces besoins, les uns sont satisfaits par l’usage que nous fesons de certaines choses que la nature nous fournit gratuitement, telles que l’air, l’eau, la lumière du soleil. Nous pouvons nommer ces choses des richesses naturelles, parce que la nature seule en fait les frais. Comme elle les DONNE indifféremment à TOUS, personne n’est obligé de les acquérir au prix d’un sacrifice quelconque. Elles n’ont donc point de valeur échangeable.

D’autres besoins ne peuvent être satisfaits que par l’usage d’une multitude de choses que l’on n’obtient point gratuitement, et qui sont le fruit de la production. Comme ce sont de véritables biens, et que l’échange qui en constate la valeur, de même que les conventions au moyen desquelles ils deviennent des propriétés exclusives, ne sauraient se rencontrer autre part que dans l’état de société, on peut les nommer des richesses sociales.

Les richesses sociales sont les seules qui puissent devenir l’objet d’une étude scientifique, parce que ce sont les seules dont la valeur n’est pas arbitraire, les seules qui se forment, se distribuent et se détruisent suivant des lois que nous pouvons assigner[1].

  1. Les objets dont se composent les richesses, qui sont étudiées par l’économiste sous le rapport de leur utilité et de leur valeur, sont étudiés par d’autres savans sous le rapport de leurs propriétés physiques ou sous le rapport de l’art qui les crée. L’économiste considère un animal domestique comme un produit qui peut devenir un fonds productif ; aux yeux du naturaliste, c’est un objet d’histoire naturelle.