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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXX.

toute solidité, mais des valeurs toujours disponibles et qui puissent se résoudre sur-le-champ en argent ; car un porteur de billets qui se croirait exposé à être remboursé en terres ou en maisons, ne consentirait pas à recevoir des billets comme de l’argent comptant.

Or, quand une banque a fait des avances égales à son capital, et qu’elle fait de nouvelles avances en ses billets, quel gage a-t-elle en sa possession, qui lui fournisse les moyens de rembourser à présentation les billets dont le paiement est réclamé ? Elle a les lettres de change qu’elle a prises à l’escompte, et que je suppose ici souscrites par des personnes solvables ; mais ces lettres de change, précisément parce qu’elle les a prises à l’escompte et en a avancé le paiement avant le terme de leur échéance, elle ne peut pas les convertir en argent à l’instant même. Comment surmonte-t-elle cette difficulté ? Une banque bien administrée a toujours entre ses mains une certaine somme de numéraire en réserve, égale, par exemple, au tiers de ses billets en circulation, et qui la met à même de faire face aux premières demandes de remboursement qui peuvent lui être faites ; pendant qu’elle satisfait, à l’aide de cette somme, aux premiers remboursemens, les lettres de change de son porte-feuille viennent successivement à échoir, et lui fournissent le moyen de satisfaire les porteurs de billets qui se présentent ensuite[1]. C’est pour se ménager la possibilité de pourvoir à de tels remboursemens, que les directeurs d’une banque sagement administrée, ne prennent jamais à l’escompte des engagemens à longue échéance, et encore moins ceux qui ne sont pas remboursables à des époques fixes.

Il résulte de tout ce qui précède une conséquence fatale à bien de systèmes et à bien des projets ; c’est que les billets de confiance ne peuvent remplacer, et encore en partie, que cette portion du capital national qui fait office de monnaie, qui circule d’une poche dans une autre pour servir à l’échange des autres biens ; et qu’une banque d’escompte, ou toute autre qui met en circulation des billets au porteur, ne saurait par conséquent fournir aux entreprises agricoles, manufacturières ou commerciales, aucuns fonds pour construire des bâtimens et des usines,

  1. Une banque qui prend journellement des lettres de change à l’escompte, en a dans son porte-feuille à toutes sortes d’échéances, en deçà du terme qu’elle s’est prescrit pour ses avances. Chaque jour voit donc arriver l’échéance d’un certain nombre d’effets, dont le paiement fait rentrer la banque dans une portion de ses avances.