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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXX.

monnaie dans toute espèce d’achats, aussi la plupart des grandes transactions du commerce se règlent-elles avec des lettres de change.

Quelquefois la qualité qu’a une lettre de change d’être payable dans un autre lieu, loin de diminuer sa valeur, l’augmente. Cela tient aux convenances et à la situation du commerce. Si le commerce de Paris a beaucoup de paiemens à faire à Londres, on consentira à donner à Paris, pour une lettre de change sur Londres, plus d’argent qu’on n’en touchera à Londres au moyen de ce papier. — Ainsi, quoiqu’une livre sterling ne contienne qu’autant d’argent fin qu’il s’en trouve dans 24 74/100 de nos francs, on pourra bien payer 25 francs, plus ou moins, pour chaque livre sterling qu’on acquerra payable à Londres[1].

C’est ce qu’on appelle le cours du change, qui n’est autre chose que la quantité de métal précieux que l’on consent à donner, pour acquérir le droit de toucher une certaine quantité du même métal dans un autre lieu. La qualité qu’a le métal d’exister dans tel endroit, lui donne ou lui ôte de la valeur, comparativement au même métal qui existe dans un autre endroit.

Un pays, la France, par exemple, a le change en sa faveur, lorsqu’on donne en France un peu moins de métal précieux qu’on n’en recevra dans l’étranger avec la lettre de change qu’on acquiert ; ou bien lorsqu’on donne dans l’étranger un peu plus de métal qu’on n’en touchera en France, au moyen d’une lettre de change sur la France. La différence n’est jamais bien considérable ; elle ne peut pas excéder les frais du transport des métaux précieux ; car, si la personne étrangère qui a besoin d’une somme à Paris pour y faire un paiement, pouvait y faire parvenir cette somme en nature à moins de frais que le cours du change ne lui donne de perte, elle enverrait la somme en nature[2].

Quelques personnes s’imaginent qu’il est possible de payer tout ce qu’on doit aux étrangers avec des lettres de change ; et en conséquence on a vu adopter ou provoquer des mesures pour favoriser cette prétendue ma-

  1. Si la lettre de change sur Londres doit y être payée, non en espèces, mais en papier-monnaie, son cours tombera, à Paris, à 21 fr., à 18 fr., peut-être à moins, pour chaque livre sterling, à proportion du décri où sera le papier-monnaie d’Angleterre.
  2. Dans les frais je comprends le transport, les risques du transport et les frais de contrebande, s’il y a prohibition. Les frais de contrebande sont d’autant plus élevés, que la communication est plus difficile. Tous ces risques s’évaluent par des assurances.