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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXIX.

mais sur le poids et la qualité qu’on sait, par expérience, exister dans la monnaie du pays prise au hasard et par grandes masses. Un écu un peu plus ancien, un peu plus usé, passe sur le même pied qu’un plus entier : l’un compense l’autre. Chaque année les hôtels des monnaies frappent de nouvelles pièces, qui contiennent tout le métal pur qu’elles doivent avoir ; et dans cet état de choses, la valeur de la monnaie n’éprouve pas, même au bout d’un grand nombre d’années, du moins pour cause d’usure, une diminution dans sa valeur.

C’est ce qui pouvait s’observer dans nos pièces de 12 et de 24 sous, qui, par la facilité qu’elles avaient de passer concurremment avec les écus de six livres, conservaient une valeur égale aux écus, quoique dans la même somme nominale il y eût environ un quart moins d’argent dans les pièces usées de 12 et 24 sous, que dans les écus.

La loi qui intervint et qui autorisa les caisses publiques et particulières à ne plus les recevoir que pour 10 et 20 sous, ne les estima pas au-dessous de ce qu’elles valaient intrinsèquement, mais les estima au-dessous de la valeur pour laquelle le dernier possesseur les avait reçues ; car cette valeur, soutenu pour ainsi dire par celle des écus, était restée jusqu’à lui de 12 et de 24 sous, comme si les pièces n’avaient rien perdu par le frottement. On fit donc perdre au dernier porteur seul le frai opéré par les milliers de mains dans lesquelles elles avaient passé.

2o l’empreinte, la façon de la pièce, sert précisément au même degré jusqu’au dernier moment, quoique sur la fin elle soit à peine visible, ou même ne le soit plus du tout, comme sur les anciens shillings d’Angleterre. Nous avons vu que la pièce de monnaie a une certaine valeur en raison de cette empreinte ; cette valeur a été reconnue jusqu’à l’échange qui l’a fait passer dans les mains du dernier possesseur : celui-ci l’a reçue, par cette raison, à un taux un peu supérieur à celui d’un petit lingot du même poids. La valeur de la façon serait donc perdue pour lui seul, quoiqu’il soit peut-être la cent millième personne à qui la pièce a servi.

Ces considérations me portent à croire que ce devrait être à la société tout entière, c’est-à-dire au trésor public, à supporter dans ces cas-là la perte de l’usure et la perte de la façon ; c’est la société tout entière qui a usé la monnaie, et l’on ne peut faire supporter cette perte à chaque particulier, proportionnellement à l’avantage qu’il a retiré de la monnaie.

Ainsi l’on peut faire payer à tout homme qui porterait des lingots à l’hôtel des monnaies, pour y être façonnés, les frais de fabrication, et