Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.
297
DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

surface possible doivent engager à faire les pièces aussi grosses qu’on le peut sans incommodité ; car plus elles sont divisées, plus elles présentent de surface. Il ne faut fabriquer de petites pièces de métal précieux, que ce qui est absolument nécessaire pour les petits échanges et les appoints, et avoir de grosses pièces pour tous les gros paiemens.

C’est une question de savoir par qui doit être supportée la perte résultante du frai des pièces de monnaie. Dans l’exacte justice, cette usure devrait être, comme en toute autre espèce de marchandise, supportée par celui qui s’est servi de la monnaie. Un homme qui revend un habit après l’avoir porté, le revend moins cher qu’il ne l’a acheté. Un homme qui vend un écu contre de la marchandise, devrait le vendre moins cher qu’il ne l’a acheté, c’est-à-dire, recevoir en échange moins de marchandise qu’il n’en a donné.

Mais la portion de l’écu usée en passant par les mains d’un seul honnête homme, est si peu de chose, qu’il est presque impossible de l’évaluer. Ce n’est qu’après avoir circulé pendant plusieurs années, que son poids a sensiblement diminué, sans qu’on puisse dire précisément entre les mains de qui cette diminution a eu lieu. Je sais fort bien que chacun de ceux entre les mains de qui l’écu a passé, a supporté, sans s’en apercevoir, la dégradation occasionnée dans sa valeur échangeable par l’usure ; je sais que chaque jour l’écu a dû acheter un peu moins de marchandises ; je sais que cette diminution, qui n’est pas sensible d’un jour à l’autre, le devient au bout d’un certain nombre d’années, et qu’une monnaie usée achète moins de marchandises qu’une monnaie neuve. Je crois en conséquence que, si une espèce entière de pièces de monnaie se dégradait successivement, au point d’exiger une refonte, les possesseurs de ces pièces, au moment de la refonte, ne pourraient raisonnablement exiger que leur monnaie dégradée fût échangée contre une monnaie neuve, pièce pour pièce et troc pour troc. Leurs pièces ne devraient être prises, même par le gouvernement, que pour ce qu’elles valent réellement ; elles contiennent moins d’argent que dans leur origine, mais aussi les ont-ils eues à meilleur compte, puisque, pour les avoir, ils n’ont donné qu’une quantité de marchandise inférieure à ce qu’ils auraient donné dans l’origine.

Telle est en effet la rigueur du principe ; mais deux considérations doivent empêcher de s’y tenir.

1o Les pièces de monnaie ne sont pas une marchandise individuelle, si je peux ainsi m’exprimer. Leur valeur dans les échanges s’établit, non pas précisément sur le poids et la qualité des pièces actuellement offertes,