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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

qu’elle ne devînt courante même parmi les étrangers. La nation qui la frapperait deviendrait alors manufacturière de monnaie pour la consommation extérieure, et pourrait faire un fort bon bénéfice sur cette branche d’industrie. Nous voyons dans le Traité historique des monnaies de France de Le Blanc (Prolégomènes, page 4), qu’une certaine monnaie que fit battre saint Louis, et dont les pièces s’appelaient agnels d’or, à cause de la figure d’un agneau qui y était empreinte, fut recherchée même des étrangers, et qu’ils aimaient fort à contracter en cette monnaie, seulement parce qu’elle contint toujours la même quantité d’or depuis saint Louis jusqu’à Charles VI.

En supposant que la nation qui ferait cette bonne affaire fût la France, je ne pense pas qu’aucun de ceux qui me font l’honneur de lire cet ouvrage, regrettât de voir ainsi sortir notre numéraire, suivant l’expression de certaines gens qui n’entendent rien et ne veulent rien entendre à toutes ces matières. L’argent ou l’or monnayé ne s’en irait certainement pas sans être bien payé, et avec chacun d’eux la façon qu’on y aurait mise. Les fabriques et le commerce de bijouteries ne sont-ils pas considérés comme très-lucratifs, bien qu’ils envoient de l’or et de l’argent ? La beauté des dessins et des formes ajoute à la vérité un grand prix aux métaux qu’ils expédient au dehors ; mais l’exactitude des essais et des pesées, et surtout la permanence des mêmes poids et des mêmes titres dans les monnaies, sont des mérites qui ne manqueraient pas d’être appréciés aussi.

Si l’on disait qu’un pareil système a été suivi par Charlemagne, qui a appelé livre une livre d’argent ; que cependant il n’a pas empêché la dégradation des monnaies, et qu’on n’appelât dans la suite une livre ce qui ne pesait réellement que 96 grains, je répondrais :

1o Qu’il n’y a jamais eu du temps de Charlemagne, ni depuis des pièces d’argent d’une livre ; que la livre a toujours été une monnaie de compte, une mesure idéale. Les pièces d’argent étaient alors des sols d’argent (solidi), et le sol n’était pas une fraction de la livre de poids.

2o Aucune monnaie ne portait sur son empreinte le poids du métal dont elle était faite. Il nous reste dans les cabinets de médailles plusieurs pièces de monnaie du temps de Charlemagne. On n’y voit que le nom du prince, et quelquefois celui des villes où la pièce avait été frappée, écrits en lettres grossièrement formées, ce qui est peu surprenant dans un royaume dont le monarque, tout protecteur des lettres qu’il était ne savait pas écrire.

3o Les monnaies portaient encore moins le titre ou le degré de fin du