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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXIII.

sa baisse serait combattue par cette demande, et s’arrêterait au point où elle viendrait rencontrer les frais de production nécessaires pour procurer cette quantité de métal[1].

On peut appliquer aux monnaies composées avec d’autres matières que l’argent, les raisonnemens dont je me suis servi en parlant de l’argent. Leur valeur est toujours en proportion de la quantité de monnaie qu’on verse dans la circulation, comparée avec la quantité que la circulation en réclame. Si les besoins de la circulation n’augmentent pas, et si l’on augmente le nombre des unités monétaires, leur valeur décline. Si leur valeur baisse au-dessous de celle de leurs frais de production, la matière première comprise, le fabricateur perd à leur fabrication. Quand la matière première est de nulle valeur, comme lorsqu’on fait de la monnaie de papier, la valeur de la monnaie peut décliner à l’excès ; car alors on peut en fabriquer sans beaucoup de frais de production ; mais le papier-monnaie donnant lieu à des considérations particulières, quoique sa valeur dérive des mêmes principes, j’en ferai un chapitre à part. Il me suffira dans ce moment d’avertir que les monnaies faites d’une matière influent sur celles qui sont autrement composées, et qu’en multipliant la quantité des unités monétaires, qui sont en or, on fait décliner la valeur de celles qui sont en argent ou en cuivre. On en peut dire autant des signes représentatifs de

  1. Ricardo, Garnier, et quelques autres, soutiennent que les frais d’extraction déterminent seuls le prix des métaux, c’est-à-dire la quantité plus ou moins grande qu’on en offre en échange de toute autre chose. Ils méconnaissent conséquemment l’influence du besoin sur la valeur du métal. C’est contredire la mieux constatée de toutes les expériences, celle qui nous montre chaque jour que la valeur des choses s’accroît par la demande. La valeur d’un produit n’excède pas, à la vérité, les frais de sa production ; mais quand le public éprouve le besoin de consommer une plus grande quantité d’un produit, il consent à payer plus cher les services productifs qui le procurent, et les frais de sa production deviennent plus considérables. Il n’est pas douteux que si, par des circonstances quelconques, le besoin qu’on a d’argent augmentait, son prix s’élèverait par rapport à celui de toutes les autres marchandises ; on chercherait à exploiter des mines qu’on n’exploite pas en ce moment, parce que leur produit n’indemnise pas des frais d’extraction. Les frais d’extraction deviendraient plus considérables ; les propriétaires des mines actuelles, les entrepreneurs de toutes, et leurs fournisseurs, gagneraient davantage ; et ce renchérissement serait dû à l’augmentation de la demande. Le besoin qu’on éprouverait de cette marchandise ferait que l’on consentirait à payer de plus gros frais de production.