Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
247
DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

La dureté de l’or et de l’argent, surtout au moyen des alliages qu’ils admettent, les fait résister à un frottement assez considérable ; ce qui les rend propres à une circulation rapide, quoique, sous ce rapport, ils soient inférieurs à plusieurs pierres précieuses.

Ils ne sont ni assez rares, ni par conséquent assez chers, pour que la quantité d’or ou d’argent équivalente à la plupart des marchandises, échappe aux sens par sa petitesse ; et ils ne sont pas encore assez communs pour qu’il faille en transporter une immense quantité, pour transporter une grosse valeur. Ces avantages réunis sont tels que les hommes qui ont des marchandises à vendre, reçoivent volontiers en échange des métaux précieux, persuadés qu’ils seront ensuite reçus préférablement à toute autre valeur, en échange des marchandises qu’ils auront à acheter.

Cette préférence est fortement augmentée par l’empreinte dont la plupart des gouvernemens revêtent les pièces pour en faciliter la circulation, empreinte qui donne au vendeur une certaine sécurité relativement au poids et au degré de pureté des morceaux de métal. S’il fallait les peser, des difficultés sans nombre naîtraient à l’occasion de la maladresse des gens et de l’imperfection de leurs instrumens. Ce serait peu. L’or et l’argent subissent, par leur mélange avec d’autres métaux, une altération qui n’est pas reconnaissable à la seule inspection. Il faut, pour s’en assurer, leur faire subir une opération chimique délicate et compliquée. L’art du monnayeur qui réduit les métaux à un titre connu, et qui les divise par pièces dont le poids est connu également, ajoute donc une qualité nouvelle à celles qui rendent les métaux précieux éminemment propres à servir de monnaie ; ce sont ces qualités qui les font rechercher pour cet usage, et non, ainsi qu’on l’a déjà remarqué, l’autorité des lois et du gouvernement.

Toutefois ces qualités seraient insuffisantes pour assurer la circulation des monnaies, si elles ne recelaient pas en elles mêmes une valeur qui leur fût propre, une valeur que chacun de ceux qui les reçoivent supposât devoir se soutenir au moins jusqu’au moment où il doit s’en servir pour un achat. L’origine de cette valeur et les causes qui la font varier, donnent lieu à des considérations assez importantes pour en faire le sujet d’un autre chapitre.