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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

la vie agricole qu’ils sont en général contraints de mener, est la plus économique de toutes ; enfin leur industrie est proportionnellement la plus productive et celle qui exige le moins de capitaux.

Le gouvernement de la colonie participe aux qualités qui distinguent les particuliers ; il s’occupe de son affaire, dissipe fort peu, et ne cherche querelle à personne : aussi les contributions y sont-elles modérées, quelquefois nulles, et, prenant peu de choses ou rien sur les revenus des administrés, leur permettent d’autant mieux de multiplier leurs économies, qui deviennent des capitaux productifs.

C’est ainsi que, même avec peu de capitaux originaires, les produits annuels des colonies excèdent promptement leurs consommations. De là cet accroissement rapide de richesses et de population qu’on y remarque ; car à mesure qu’il se forme des capitaux, le travail industriel de l’homme y devient recherché, et l’on sait que les hommes naissent partout où il en est besoin[1].

On peut maintenant s’expliquer pourquoi les progrès de ces colonies sont si rapides. Chez les anciens, Éphèse et Milet dans l’Asie-Mineure, Tarente et Crotone en Italie, Syracuse et Agrigente en Sicile, paraissent avoir surpassé en peu de temps leurs métropoles. Les colonies anglaises de l’Amérique septentrionale, qui dans nos temps modernes ressemblent le plus aux colonies des grecs, ont offert un spectacle de prospérité peut-être moins éclatant, mais non moins digne de remarque, et qui n’est pas terminé.

Il est de l’essence des colonies fondées sur ce principe, c’est-à-dire sans projet de retour dans l’ancienne patrie, de se donner un gouvernement indépendant de leur métropole ; et lorsque la métropole conserve la prétention de leur imposer des lois, la force des choses l’emporte tôt ou tard, et opère ce que la justice et l’intérêt bien entendu conseillaient de faire dès l’origine.

Je passe aux colonies formée suivant le système colonial des modernes.

Ceux qui les fondèrent furent, pour la plupart, des aventuriers qui cherchèrent, non une patrie adoptive, mais une fortune qu’ils pussent rapporter, pour en jouir, dans leur ancien pays[2].

  1. Voyez plus loin ce qui a rapport à la population.
  2. J’en excepte toujours les fondateurs de plusieurs états dans l’Amérique septentrionale, et quelques autres. Les colonies espagnoles et portugaises du continent de l’Amérique ont participé des deux systèmes. Quelques Européens y sont allés avec l’esprit de retour, d’autres pour s’y fixer, ainsi que leurs descendans. Mais ces combinaisons ont subi de grands changemens depuis que ces colonies sont devenues indépendantes, et il est probable que dorénavant on ne s’y établira plus que pour s’y fixer.