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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

blic. Le producteur privilégié (qui, dans ce cas, semblerait n’avoir aucun besoin de privilége) y trouve cet avantage, que si quelque autre personne venait à découvrir le procédé secret, elle ne pourrait néanmoins en faire usage avant l’expiration du privilége.

Il n’est point nécessaire que l’autorité publique discute l’utilité du procédé, ou sa nouveauté ; s’il n’est pas utile, tant pis pour l’inventeur ; s’il n’est pas nouveau, tout le monde est admis à prouver qu’il était connu, et que chacun avait le droit de s’en servir : tant pis encore pour l’inventeur, qui a payé inutilement les frais du brevet d’invention.

Les brevets d’invention paraissent avoir été en Angleterre un encouragement plus effectif qu’en France, où j’ai vu mettre en doute qu’ils aient jamais procuré à un inventeur des avantages qu’il n’aurait pas eus sans eux. Ils ont été la cause de beaucoup de procès et quelquefois un obstacle à des améliorations. Le privilége est nul si le procédé était connu auparavant ; mais comment établir la preuve qu’un procédé était connu, ou qu’il ne l’était pas ? Comment établir même l’identité d’une méthode avec une autre ? Une légère différence constitue-t-elle une méthode différente ? Oui, si elle est essentielle. Mais aussi quelquefois une différence, en apparence considérable, n’empêche pas deux fabrications d’être les mêmes au fond.

En France on accorde aussi des brevets d’importation ; et l’on a vu des manufacturiers qui avaient introduit dans leur fabrication des procédés heureusement imités de l’étranger, mais qui, n’ayant point pris de brevets parce qu’ils ne prétendaient à aucun monopole, ont été attaqués en justice par des agioteurs en brevets d’importation, qui, après s’être pourvus d’un privilége, prétendaient que le procédé leur appartenait. Ces derniers brevets sont décidément mauvais. Les usages des étrangers sont une source d’instruction ouverte à tout le monde de même que les livres, et il est avantageux que le plus de gens possible soient admis à puiser à toutes les sources de l’instruction.

Les considérations précédentes sur les réglemens qui ont rapport, soit à la nature des produits, soit aux moyens employés pour produire, n’ont pas pu embrasser la totalité des mesures de ce genre adoptées dans tous les pays civilisés ; et quand j’aurais soumis à l’examen la totalité de ces mesures, dès le lendemain l’examen aurait été incomplet, parce que chaque jour voit naître de nouveau réglemens. L’essentiel était d’établir les principes d’après lesquels on peut prévoir leurs effets.