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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

opinion, la prospérité des manufactures d’Angleterre, où l’on sait qu’il y a beaucoup d’entraves à l’exercice de l’industrie manufacturière ; mais ils méconnaissent les véritables causes de cette prospérité. « Les causes de la prospérité de l’industrie dans la Grande-Bretagne, dit Smith[1], sont cette liberté de commerce, qui, malgré nos restrictions, est pourtant égale et peut-être supérieure à celle dont on jouit dans quelque pays du monde que ce soit ; cette faculté d’exporter, sans droits, presque tous les produits de l’industrie domestique, quelle que soit leur destination ; et, ce qui est plus important encore, cette liberté illimitée de les transporter d’un bout à l’autre du royaume, sans être obligé de rendre aucun compte, sans être exposé dans aucun bureau à la moindre visite, à la plus simple question, etc. » Qu’on y joigne le respect inviolable de toutes les propriétés, soit de la part de tous les agens du gouvernement sans exception, soit de la part des particuliers, d’immenses capitaux accumulés par le travail et l’économie, l’habitude enfin, inculquée dès l’enfance, de mettre du jugement et du soin à ce qu’on fait, et l’on aura une explication suffisante de la prospérité manufacturière de l’Angleterre.

Les personnes qui citent l’Angleterre pour justifier les chaînes dont elles voudraient charger l’industrie, ignorent que les villes de la Grande-Bretagne où l’industrie fleurit le plus, et qui ont porté les manufactures de ce pays à un très-haut point de splendeur, sont précisément les villes qui n’ont point de corps de métiers[2], telles que Manchester, Birmingham, Liverpool, Glasgow, qui n’étaient que des bourgades il y a deux siècles, et qui se placent maintenant, relativement à la population et aux richesses, immédiatement après Londres, et fort avant York, Cantorbéry, et même Bristol, villes anciennes, favorisées, et capitales des principales provinces, mais où l’industrie était soumise à de gothiques entraves.

« La ville et la paroisse de Halifax, dit un auteur qui passe pour bien connaître l’Angleterre, ont vu, depuis quarante ans, quadrupler le nombre de leurs habitans ; et plusieurs villes sujettes aux corporations ont éprouvé des diminutions sensibles. Les maisons situées dans l’enceinte de la Cité à Londres, se louent mal ; tandis que Westminster, Southwark et les autres faubourgs, prennent un accroissement continuel. Ils sont libres ; et la Cité a quatre-vingt-douze compagnies exclu-

  1. Rich. des Nat., livre IV, chap. 7.
  2. Baert, Tableau de la Grande-Bretagne, tome I, page 107.