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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

sent la masse des lumières générales, sans détourner l’industrie et les capitaux de leur emploi le plus avantageux. Ils occasionnent d’ailleurs une dépense peu considérable auprès de ce que coûtent, en général, les autres encouragemens. La prime pour favoriser l’exportation des blés a coûté à l’Angleterre, suivant Smith, dans certaines années, plus de sept millions de nos francs. Je ne crois pas que jamais le gouvernement anglais, ni aucun autre, ait dépensé en prix d’agriculture la cinquantième partie de cette somme dans une année.


§ II. — Effets des réglemens qui déterminent le mode de production.


Lorsque les gouvernemens se sont occupés des procédés de l’industrie agricole, leur intervention a presque toujours été favorable. L’impossibilité de diriger les procédés variés de l’agriculture, la multiplicité des gens qu’elle occupe souvent isolément sur toute l’étendue d’un territoire et dans une multitude d’entreprises séparées, depuis les grandes fermes jusqu’aux jardins des plus petits villageois, le peu de valeur ses produits relativement à leur volume, toutes ces circonstances, qui tiennent à la nature de la chose, ont heureusement rendu impossibles les réglemens qui auraient gêné les industrieux. Les gouvernemens animés de l’amour du bien public ont dû en conséquence se borner à distribuer des prix et des encouragemens, et à répandre des instructions qui, souvent, ont contribué très-efficacement aux progrès de cet art. L’école vétérinaire d’Alfort, la ferme expérimentale de Rambouillet, l’introduction des mérinos, sont pour l’agriculture française de véritables bienfaits, dont elle doit l’extension et le perfectionnement à la sollicitude des diverses administrations qui, du sein des orages politiques, ont gouverné la France.

Quand l’administration veille à l’entretien des communications, lorsqu’elle protége les récoltes, lorsqu’elle punit les négligences coupables, comme le défaut d’échenillage des arbres, elle produit un bien analogue à celui qu’elle opère par le maintien de la tranquillité et des propriétés, qui est si favorable, ou plutôt si indispensable pour la production[1].

  1. Dans l’ancien canton de Berne, on obligeait chaque propriétaire, dans la saison des hannetons, à fournir un nombre de boisseaux de ces insectes, proportionné à l’étendue de ses possessions. Les riches propriétaires achetaient ces boisseaux de hannetons à de pauvres gens qui fesaient métier de les prendre, et y réussissaient si bien, que le pays n’était plus exposé à leurs ravages. Mais on m’a assuré que ce soin paternel excitait une singulière espèce de contrebande, et que, par le lac Léman, on transportait des sacs de hannetons de la Savoie dans le pays de Vaud ; et cela prouve combien il est difficile, même aux bons gouvernemens, de faire le bien en se mêlant de la production.