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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

tous lui-même, parce que les produits, ainsi qu’il a été prouvé, s’achètent toujours les uns par les autres. Vous réduisez l’Angleterre à ne plus exporter pour un million d’étoffes de laine ; croyez-vous l’empêcher de produire une valeur d’un million ? Vous êtes dans l’erreur ; elle emploiera les mêmes capitaux, une main-d’œuvre équivalente, à fabriquer, au lieu de casimirs peut-être, des esprits ardens avec ses grains et ses pommes de terre ; dès-lors elle cessera d’acheter avec ses casimirs des eaux-de-vie de France. De toutes manières un pays consomme toujours les valeurs qu’il produit, soit directement, soit après un échange, et il ne saurait consommer que cela. Vous rendez l’échange impossible : il faut donc qu’il produise des valeurs telles qu’il puisse les consommer directement. Voilà le fruit des prohibitions : on est plus mal accommodé de part et d’autre, et l’on n’en est pas plus riche.

Napoléon fit certainement tort à l’Angleterre et au continent, en gênant, autant qu’il dépendit de lui, les relations réciproques de l’une et de l’autre : mais, d’un autre côté, il fit involontairement du bien au continent de l’Europe, en facilitant, par cette aggrégation d’états continentaux, fruit de son ambition, une communication plus intime entre ces différens états. Il ne restait plus de barrières entre la Hollande, la Belgique, une partie de l’Allemagne, l’Italie et la France, et de faibles barrières s’élevaient entre les autres états, l’Angleterre exceptée. Je juge du bien qui résulta de ces communications par l’état de mécontentement et de dépression du commerce qui est résulté du régime qui a suivi, et où chaque état s’est retranché derrière une triple ligne de douaniers. Chacun a bien conservé les mêmes moyens de production, mais d’une production moins avantageuse.

Personne ne nie que la France ait beaucoup gagné à la suppression, opérée par la révolution, des barrières qui séparaient ses provinces ; l’Europe avait gagné à la suppression, partielle du moins, des barrières qui séparaient les états de la république continentale ; et le monde gagnerait beaucoup plus encore à la suppression des barrières qui tendent à séparer les états qui composent la république universelle.

Je ne parle point de plusieurs autres inconvéniens très-graves, tels que celui de créer un crime de plus : la contrebande ; c’est-à-dire de rendre criminelle par les lois une action qui est innocente en elle-même, et d’avoir à punir des gens qui, dans le fait, travaillent à la prospérité générale.

Smith admet deux circonstances qui peuvent déterminer un gouvernement sage à avoir recours aux droits d’entrée.