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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Par la même raison, on sentira qu’on ne doit pas avoir plus de répugnance à tirer de l’étranger les objets qui servent à nos consommations stériles, que celles qui servent de matières premières à nos manufactures. Soit que nous consommions des produits de l’intérieur ou du dehors, nous détruisons une portion de richesses ; c’est une brèche que nous fesons à la richesse nationale ; mais cette perte est le fait de notre consommation, et non pas de notre achat à l’étranger ; et quant à l’encouragement qui en résulte pour la production nationale, il est encore le même dans les deux cas. Car, avec quoi ai-je acheté le produit de l’étranger ? Avec le produit de notre sol, ou avec de l’argent qui lui-même ne peut être acquis qu’avec des produits de notre sol. Lorsque j’achète à l’étranger, je ne fais donc en réalité qu’envoyer à l’étranger un produit indigène au lieu de le consommer, et je consomme en place celui que l’étranger m’envoie en retour. Si ce n’est moi qui fais cette opération, c’est le commerce. Notre pays ne peut rien acheter des autres pays qu’avec ses propres produits.

Défendant toujours les droits d’entrée, on insiste et l’on dit : « L’intérêt de l’argent est élevé chez nous ; il est bas chez l’étranger ; il faut donc balancer par un droit d’entrée l’avantage qu’a l’étranger sur nos producteurs. » Le bas intérêt est pour le producteur étranger un avantage pareil à celui d’un sol plus fécond. S’il en résulte un bon prix pour les produits dont il s’occupe, il est fort à propos d’en faire jouir nos consommateurs. On peut appliquer ici le raisonnement qui doit nous faire préférer de tirer le sucre et l’indigo des contrées équinoxiales, plutôt que de les produire sur notre sol.

« Mais les capitaux étant nécessaires dans tous les genres de production, l’étranger qui trouve des capitaux à bas intérêt, a sur nous l’avantage relativement à tous les produits ; et si nous en permettons la libre introduction, il aura la préférence sur tous nos producteurs. » — Avec quoi paierez-vous alors ses produits ? — « Avec de l’argent, et c’est là le malheur. » — Et avec quoi vous procurerez-vous l’argent dont vous paierez l’étranger ? — « Nous le paierons avec l’argent que nous avons, qu’il épuisera, et nous tomberons dans la dernière misère. » — La dernière misère consiste, non à manquer d’argent, mais à manquer des choses que l’on se procure avec de l’argent. De 1798 à 1814, l’Angleterre avait exporté tout son or monnayé, et n’avait jamais été plus riche. Ses billets de banque lui tenaient lieu de monnaie. Mais quand on a une monnaie métallique, on ne manque jamais d’argent ; car pour peu qu’il se fasse des paiemens à l’étranger en numéraire, le numéraire hausse de prix relati-