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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

ductifs, d’autres objets très-durables, le fer, les pierres, devraient partager cette faveur avec l’argent et l’or.

Ce qu’il importe de voir durer, ce n’est aucune matière en particulier : c’est la valeur du capital. Or, la valeur du capital se perpétue, malgré le fréquent changement des formes matérielles dans lesquelles réside cette valeur. Il ne peut même rapporter un profit, un intérêt, que lorsque ces formes changent perpétuellement ; et vouloir le conserver en argent, ce serait le condamner à être improductif.

Après avoir montré qu’il n’y a aucun avantage à importer de l’or et de l’argent préférablement à toute autre marchandise, j’irai plus loin, et je dirai que, dans la supposition où il serait désirable qu’on obtînt constamment une balance en numéraire, il serait impossible d’y parvenir.

L’or et l’argent, comme toutes les autres matières dont l’ensemble forme les richesses d’une nation, ne sont utiles à cette nation que jusqu’au point où ils n’excèdent pas les besoins qu’elle en a. Le surplus, occasionnant plus d’offres de cette marchandise qu’il n’y en a de demandes, en avilit la valeur d’autant plus que l’offre est plus grande, et il en résulte un puissant encouragement pour en tirer parti au dehors avec bénéfice.

Rendons ceci sensible par un exemple.

Supposons pour un instant que les communications intérieures d’un pays et l’état de ses richesses soient tels, qu’ils exigent l’emploi constant de mille voitures de tout genre ; supposons que, par un système commercial quelconque, on parvint à y faire entrer plus de voitures qu’il ne s’en détruirait annuellement, de manière qu’au bout d’un an il s’en trouvât quinze cents au lieu de mille : n’est-il pas évident qu’il y aurait dès-lors cinq cents voitures inoccupées sous différentes remises, et que les propriétaires de ces voitures, plutôt que d’en laisser dormir la valeur, chercheraient à s’en défaire au rabais les uns des autres, et, pour peu que la contrebande en fût aisée, les feraient passer à l’étranger pour en tirer un meilleur parti ? On aurait beau faire des traités de commerce pour assurer une plus grande importation de voitures, on aurait beau favoriser à grands frais l’exportation de beaucoup de marchandises pour en faire rentrer la valeur sous forme de voitures, plus la législation chercherait à en faire entrer, et plus les particuliers chercheraient à en faire sortir.

Ces voitures sont le numéraire. On n’en a besoin que jusqu’à un certain point ; nécessairement il ne forme qu’une partie des richesses sociales. Il ne peut pas composer toutes les richesses sociales, parce qu’on a besoin d’autre chose que de numéraire. Il en faut plus ou moins selon la