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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XIII.

frais ; or, la voie la plus simple d’être affranchi d’un inconvénient, c’est de ne pas s’y soumettre de propos délibéré.

Les produits immatériels sont le fruit de l’industrie humaine, puisque nous avons appelé industrie toute espèce de travail productif. On voit moins clairement comment ils sont en même temps le fruit d’un capital. Cependant la plupart de ces produits sont le résultat d’un talent ; tout talent suppose une étude préalable, et aucune étude n’a pu avoir lieu sans des avances.

Pour que le conseil du médecin ait été donné et reçu, il a fallu que le médecin ou ses parens aient fait, pendant plusieurs années, les frais de son instruction ; il a fallu que l’étudiant ait été entretenu tout le temps qu’ont duré ses études ; il a fallu acheter des livres, faire des voyages peut-être : ce qui suppose l’emploi d’un capital précédemment accumulé[1].

Il en est de même de la consultation de l’avocat, de la chanson du musicien, etc. : ces produits ne peuvent avoir lieu sans le concours d’une industrie et d’un capital. Le talent d’un fonctionnaire public lui-même est un capital accumulé. Les frais nécessaires pour élever un ingénieur civil ou militaire sont du même genre que les avances qu’il a fallu faire pour élever un médecin. Il est même à supposer qu’on trouve bien placés les fonds qui mettent un jeune homme en état de devenir fonctionnaire public, et bien payés les travaux qui composent son industrie, puisqu’il y a dans presque toutes les parties de l’administration plus de postulans que de places, dans les pays même où les places sont plus multipliées qu’elles ne devraient l’être.

On retrouve dans l’industrie qui donne des produits immatériels les mêmes opérations que nous avons remarquées, dans l’analyse qui a été faite, au commencement de cet ouvrage, des opérations de toute espèce d’industrie[2]. Prouvons cela par un exemple : pour qu’une simple chan-

  1. Pour ne pas anticiper sur ce que je dois dire en traitant des profits de l’industrie et des capitaux, je me bornerai à taire remarquer, en passant, que ce capital est placé à fonds perdu sur la tête du médecin, et que ses honoraires ne sont pas équitablement réglés, s’ils ne comprennent pas, outre la récompense de son travail actuel et celle de son talent (qui est un agent dont la nature l’a gratifié), un intérêt du capital qui fut consacré à son instruction ; et que cet intérêt ne doit pas être simple, mais viager.
  2. Voyez plus haut, livre I, chap.6.