Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

dedans les industrieux et les capitaux français ; la nation russe, de ce que gagnent les industrieux et les capitaux russes.

Ce pourrait être même une nation étrangère à la France et à la Russie qui fit les bénéfices du commerce mutuel de ces deux nations ; et ces deux nations n’y perdraient rien, si leurs industrieux avaient chez eux d’autres emplois également lucratifs de leur temps et de leurs capitaux. Or, la circonstance d’un commerce extérieur actif, quels qu’en soient les agens, est très-propre à vivifier l’industrie intérieure. Les chinois, qui laissent faire à d’autres nations tout leur commerce extérieur, n’en font pas moins des profits considérables, puisqu’ils suffisent, sur un territoire égal à l’Europe en surface, à l’entretien d’un nombre d’habitans double de ce qu’en contient l’Europe. Un marchand dont la boutique est bien achalandée, ne fait pas de moins bonnes affaires que le porte-balle qui va offrant la sienne par le pays[1]. Les jalousies commerciales ne sont guère que des préjugés, des fruits sauvages qui tomberont quand ils seront parvenus à maturité.

En tout pays, le commerce extérieur qui se fait est peu considérable, comparé au commerce intérieur. Il suffit, pour s’en convaincre, de remarquer, soit dans un rassemblement considérable, soit sur les tables mêmes les plus somptueuses, combien la valeur des choses tirées du dehors qu’on peut apercevoir, est modique, en comparaison de la valeur des choses qui viennent de l’intérieur, surtout si l’on y comprend, comme on le doit, la valeur des bâtimens et autres constructions où l’on habite, et qui sont bien un produit de l’intérieur[2].

  1. On dit à ce sujet : Pourquoi ne joindrions-nous pas à ta production agricole et manufacturière la production commerciale ? Par la même raison qui fait qu’un fabricant d’étoffes de laine envoie teindre ses étoffes chez un teinturier, et, s’il a des capitaux et du temps de reste, trouve plus d’avantage à étendre sa fabrique qu’à établir une teinturerie et à faire les profits du teinturier.
  2. L’évaluation exacte en serait impossible à faire, même dans les pays où les calculs de ce genre sont en grande vénération. Elle serait, du reste, bien superflue ; et en général les évaluations statistiques, qui, fussent-elles exactes, ne sont jamais permanentes, ont en elles-mêmes peu d’utilité. Ce qui est vraiment utile, c’est de bien connaître les faits généraux, les lois générales, c’est-à-dire, la chaîne qui lie les effets aux causes. Cela seulement peut indiquer la conduite qu’il faut tenir dans chaque situation où l’on se trouve. La statistique ne peut fournir à l’économie politique que des exemples pour faire comprendre des principes qui doivent être démontrés sans elle, ou pour les confirmer. Elle ne saurait fonder des principes. Ceux-ci ne peuvent être fondés que sur la nature des choses. La meilleure statistique ne fait connaître que la quantité des choses.