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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE IX.

mentée ; elle l’est bien réellement, de même que la valeur intrinsèque de l’argent est plus grande à Paris qu’elle ne l’est à Lima.

En effet, le transport des marchandises ne peut s’opérer sans le concours de divers moyens, qui tous ont leur valeur intrinsèque aussi, et parmi lesquels le transport proprement dit n’est pas toujours le plus dispendieux. Ne faut-il pas un établissement commercial au lieu où l’on rassemble la marchandise, un autre au lieu où elle arrive, des magasins, des emballages ? Ne faut-il pas des capitaux pour faire l’avance de sa valeur ? N’y a-t-il pas des commissionnaires, des assureurs, des courtiers à payer ? Ce sont là des services vraiment productifs, puisque sans eux il est impossible au consommateur de jouir de la denrée, et que, si on les suppose réduits par la concurrence à leur taux le plus bas, aucun autre moyen ne pourrait l’en faire jouir à meilleur marché.

Dans le commerce, de même que dans l’industrie manufacturière, la découverte d’un procédé expéditif ou économique, un meilleur emploi des agens naturels, comme celui d’un canal au lieu d’une grande route, la destruction d’un obstacle, d’un renchérissement opposé par la nature ou par les hommes, diminuent les frais de production, et procurent au consommateur un gain qui ne coûte rien au producteur. Il baisse alors son prix sans perte, parce que, s’il fait payer moins cher, c’est qu’il est tenu à moins dépenser. C’est par cette raison que les routes, les canaux, les ponts, l’abolition des douanes intérieures, des péages, des octrois qui ne sont que des péages, tout ce qui favorise les communications intérieures, est favorable à la richesse d’un pays.

Les mêmes principes s’appliquent au commerce avec l’étranger comme au commerce intérieur. Le négociant qui envoie des soieries en Allemagne, en Russie, et qui vend à Pétersbourg 8 francs une aune d’étoffe qui vaut 6 francs à Lyon, crée une valeur de 2 francs par aune. Si le même négociant fait venir en retour des fourrures de Russie, et s’il vend au Havre pour 1200 francs, ce qui lui aura coûté à Riga 1000 francs, ou une valeur équivalente à 1000 francs, il y aura eu une nouvelle valeur de 200 francs créée et partagée par les divers agens de cette production, quelles que soient les nations auxquelles ils appartiennent et leur importance dans les fonctions productives, depuis le gros négociant jusqu’au simple crocheteur[1]. La nation française s’enrichit de ce que gagnent là-

  1. On voit au livre II, chapitre 7, dans quelles proportions ce partage a lieu ordinairement.