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Par-tout où il y a échange, il y a deux valeurs créées et troquées l’une contre l’autre ; et par-tout où il y a deux valeurs créées, il peut y avoir, et il y a en effet, deux consommations[1].

Il en est de même du service productif rendu par le capital. Le capitaliste qui le prête, vend le service, le travail de son instrument ; le prix journalier ou annuel qu’un entrepre-

  1. Un domestique produit des services personnels qui sont en totalité consommés improductivement par son maître aussitôt que produits. Le service du fonctionnaire public est de même consommé en totalité par le public, à mesure qu’il est produit. Voilà pourquoi ces différens services ne donnent lieu à aucune augmentation de richesses. Le consommateur jouit de ces services, mais ne peut les accumuler. C’est ce qui est expliqué en détail dans mon Traité d’économie politique, 4e édition, tom. i, pag. 124. On ne conçoit pas, après cela, comment M. Malthus a pu imprimer, page 35, que « l’on ne peut expliquer les progrès que l’Europe a faits depuis les temps féodaux, si l’on considère les services personnels comme aussi productifs que le travail des marchands et des manufacturiers. » Il en est de ces services comme du travail du jardinier qui a cultivé des salades ou des fraises. La richesse de l’Europe ne vient certainement pas des fraises qui ont été produites, parce qu’elles ont dû, ainsi qu’un service personnel, être toutes consommées improductivement à mesure qu’elles mûrissaient, quoique moins promptement que des services personnels.

    Je nomme ici des fraises comme un produit fort peu durable ; mais ce n’est pas parce qu’un produit est durable, qu’il facilite davantage les accumulations. C’est parce qu’il est consommé de manière à reproduire sa valeur dans un autre objet. Car, durable ou non, tout produit est voué à la consommation, et ne sert à une fin quelconque que par sa consommation : (cette fin est, soit de satisfaire un besoin, soit de reproduire une nouvelle valeur.) Lorsqu’on se mêle d’écrire sur l’économie politique, il faut préalablement faire sortir de sa tête qu’un produit durable s’accumule mieux qu’un produit fugitif.