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moyen pratiqué dans le pays et enfin l’étendue et la solidité du crédit de l’État emprunteur ; en d’autres termes, il est sous la dépendance des conditions économiques. Pas plus que les particuliers, l’État ne sau-. rait donc se soustraire à l’action des lois naturelles et spécialement de la loi de l’offre et de la demande ; il la subit quand elle maintient l’intérêt à un taux élevé, il en bénéficie quand elle en provoque la baisse. Le principe de la liberté de l’intérêt est aujourd’hui reconnu et appliqué dans la presque universalité des législations. La France est un des rares pays où subsistent encore quelques débris de l’ancienne limitation. Ce qui reste de la loi de 1807 n’a plus d’autre résultat que de montrer l’inutilité de cette loi.

Les législations qui reconnaissent le principe de la liberté de l’intérêt, loin de laisser l’usure impunie, en ont organisé la répression ; dès lors, l’usure n’est plus caractérisée par la perception d’un intérêt au-dessus d’un certain taux mais par l’emploi de fraude, pression ou violence, par l’exploitation de l’ignorance ou des passions de l’emprunteur (V. Usure).

. Action générale de l’État sur le taux de l’intérêt.

En dehors de toute intervention immédiate et directe, l’État exerce sur létaux de l’intérêt une action générale très réelle et continue, bien que peu apparente et quelquefois inaperçue. Nous ne saurions entrer ici dans de longs détails sur cette influence qui se produit suivant des modes infiniment nombreux et variés dont l’examen nous entraînerait à des développements excessifs. L’on sait que la sécurité des capitaux dépend en partie de la direction politique gouvernementale ; que, par bien des côtés, la législation exerce une très grande influence sur l’activité industrielle et commerciale et conséquemment sur la production des capitaux ; et qu’enfin, par l’impôt, l’État prélève une part notable de l’épargne annuelle de la nation, tandis qu’il puise abondamment, par ses emprunts, dans les épargnes accumulées des années antérieures.

Il est inutile d’insister sur ce que le devoir de l’État est de ne négliger aucun des moyens d’action dont il dispose pour assurer le plus haut degré de sécurité aux transactions, pour favoriser la production abondante et l’épargne du capital, pour en faciliter la circulation. L’action générale de l’État et des lois doit donc tendre à seconder la baisse naturelle du taux de l’intérêt. Aussitôt que l’intérêt qu’il sert à ses INTÉRÊT

créanciers est supérieur au prix moyen des capitaux dans le pays, l’État doit réduire cet intérêt par des conversions (voy, ce mot) successives de la dette publique et faire bénéficier ainsi la masse des contribuables de la loi de décroissance du taux de l’intérêt déjà si favorable à la masse des travailleurs. III. CONCLUSION.

Les développements qui précèdent appellent quelques brèves conclusions. Le problème de l’intérêt est aujourd’hui résolu au point de vue scientifique. La légitimité et la nécessité d’une rémunération pour les capitaux prêtés sont des points définitivement acquis. En donnant pour fondement à cette rémunération la productivité du capital, la science montre que le prêt à intérêt n’est pas un instrument également utile partout et toujours et dont on puisse user aveuglément. Son emploi n’est justifié que là où la situation économique s’y prête, c’est-à-dire là où le travail humain peut retirer de suffisants profits de la mise en œuvre du capital. L’histoire appuie les conclusions de la science en montrant que si le mécanisme de l’intérêt a été meurtrier et ruineux quand il a été appliqué dans des conditions économiques défavorables (prêts de consommation, production insuffisante, défaut de concurrence), il est devenu essentiellement précieux aussitôt qu’il a été mis au service de la création de la richesse et qu’il a dès lors été un puissant stimulant de la production et de l’épargne et l’agent le plus actif de la diffusion des richesses. La science et l’expérience s’accordent encore à montrer que le niveau de Tintérêt obéit dans ses variations à des lois naturelles qui ne sauraient être éludées, ni maîtrisées ; que ce niveau est le résultat de certaines conditions économiques et que l’État, s’il est absolument impuissant à modifier ce résultat, jouit d’une influence réelle sur les causes qui le produisent, qu’il peut, en un mot, exercer une action journalière favorable ou nuisible à l’abondance, à la sécurité, à la circulation du capital.

Toutefois, si Ton envisage la question au point de vue pratique, on ne peut se dissimuler que bien des progrès restent à faire. Si des lois moins arbitraires, une justice plus exacte, des facilités de communication de jour en jour plus abondantes ont puissamment contribué à la baisse graduelle du taux de l’intérêt, on n’a pas levé tous les obstacles qui retardent ce mouvement bienfaisant et parmi lesquels on peut signaler en France : les taxes élevées qui pèsent sur les contrats d’emprunt, le régime hypothécaire