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part, le progrès économique permet de les employer fructueusement. Depuis le moment où la concurrence s’est établie entre les capitaux disponibles, en supposant d’ailleurs de suffisantes conditions de sécurité, l’intérêt n’obéit plus, dans ses fluctuations, qu’à l’influence de la productivité du capital : le taux s’élève si quelque progrès notable permet de donner au capital un surcroît de fécondité ; il s’abaisse si les bénéfices se réduisent. On peut formuler ainsi les lois auxquelles obéit le taux de l’intérêt dans ses variations : ° Dans une situation économique caractérisée par la rareté du capital disponible, que cette rareté soit effective ou factice, le niveau de Tintérêt est très élevé, quelle que soit la productivité du capital fixe.

Les risques affectant la sécurité générale des capitaux dans un pays agissent comme la rareté du capital, à laquelle d’ailleurs ils contribuent.

Lorsque à la rareté du capital viennent se joindre des risques provenant soit d’une très faible productivité, soit de la témérité des emprunteurs, soit de leur détresse, le prêt à intérêt peut donner lieu à des abus et le milieu devient favorable au développement de l’usure.

° Aussitôt que le capital disponible devient abondant par suite d’épargne ou d’importation, la sécurité générale restant d’ailleurs assurée, le niveau de l’intérêt s’abaisse, et, dès lors, il a pour régulateur la productivité du capital fixe. L’intérêt reste rémunérateur aussi longtemps que les capitaux nouveaux sont employés par une industrie prospère ; il s’élève si quelque progrès notable vient donner au capital un surcroît de fécondité ; il s’abaisse si les bénéfices se réduisent. Le taux de l’intérêt s’établit, dans chaque lieu, sur un prix moyen d’après la productivité des capitaux le plus récemment employés. Les différences qui s’établissent sur le marché ne sont que des compensations qui égalisent les conditions des divers placements ou, en d’autres termes, des primes d’assurance proportionnées aux risques présumés que présentent chacun d’eux

. Loi de décroissance du taux de l’intérêt. Obstacles qu’elle rencontre.

Il semble ressortir de l’analyse qui précède que tout développement économique a pour effet d’atténuer progressivementles causes qui maintiennent à un niveau élevé l’intérêt du capital et de développer celles qui contribuent à le faire décroître. Il résulterait de là que, à travers ces variations, l’intérêt doit subir un mouvement de baisse progressive. Ce phénomène est-il accidentel et contingent, ou pré-INTÉRET

sente-t-il les caractères d’une loi naturelle ? Et, s’il est acquis qu’une marche décroissante de l’intérêt soit la conséquence fatale de l’évolution économique, on peut se demander quel en sera le terme, et si cette loi est une loi de progrès ou si elle constitue une entravé attachée au développement du progrès. Des trois causes qui tour à tour servent de régulateur au taux de l’intérêt : — sécurité des transactions, abondance ou rareté du capital, productivité, — il est constant que les deux premières se modifient incessamment dans un sens qui contribue à l’abaisser. Une civilisation qui se développe assure de plus en plus Faction de la police, donne plus d’efficacité à la protection que les lois accordent aux droits de chacun, rend la justice plus facile, plus rapide et moins chère. Et encore, une société qui s’enrichit produit et épargne ou même accroît sa production, en améliore les méthodes et perfectionne fart d’épargner (V. Épargne). C’est donc le premier effet du progrès économique, ou plutôt c’en est l’essence même de donner au capital une sécurité toujours plus grande et de le rendre de plus en plus abondant, c’est-à-dire de fortifier les causes qui font baisser le niveau de 3’intérèt et le laissent à la merci de la troisième force régulatrice : la productivité.

L’action du progrès économique sur ce dernier facteur aboutit au même résultat : la productivité du capital va en s’affaiblissant.

Le service productif des capitaux n’est pas, nous l’avons dit, toujours égal à lui-même, il varie avec les conditions économiques au milieu desquelles il est utilisé, et ces conditions, le progrès les modifie sans cesse dans le sens d’un affaiblissement, d’une diminution graduelle de la valeur de ce service. Nous trouvons à ce phénomène trois causes différentes.

° Le capital se dirige toujours vers les emplois qui doivent donner les plus gros bénéfices. A mesure que ces premières entreprises, très productives, sont munies des capitaux nécessaires, les capitaux nouveaux ne trouvent d’emploi qu’en des œuvres de moins en moins rémunératrices. De là la différence entre l’utilité qu’ont pu fournir les premiers capitaux et celle que l’on peut retirer de ceux qui se forment successivement. Cette différence s’accentue tous les jours et Ton en pourrait citer de nombreux exemples.

Les capitaux qui ont servi a l’établissement du premier réseau de chemins de fer ont été infiniment plus productifs que ceux employés à établir le second et le troisième