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rechercher par ceux qui se croient capables de trouver un bénéfice dans son exploitation.

Ainsi demandée, cette jouissance est offerte par les possesseurs de capitaux et •dès lors un marché s’établit pour cette jouissance, comme il arrive pour toute autre utilité partout où se rencontrent des gens qui la recherchent et d’autres qui la possèdent. Ainsi en est-il du travail et l’on ne saurait, à certains égards S mieux comparer le contrat de prêt à intérêt qu’au contrat de salaire. Tous deux reposent sur la même base, ont la même raison d’être. Le capital prêté et le travailleur employé représentent l’un et l’autre une valeur productive dont les services sont demandés et offerts et dont la jouissance s’achète moyennant un certain prix.

Ainsi fixée, la notion de l’intérêt porte en elle la légitimation du contrat de prêt à titre onéreux. En effet, la productivité du capital est, auxyeux de la science économique, une suffisante justification du prix dont on on en paye la jouissance. L’usage du capital procurant à l’emprunteur un produit plus grand que celui qu’il aurait obtenu sans lui, cet usage est demandé et concédé moyennant une part faite au prêteur dans ce surcroît de profit et l’intérêt, qui n’est que le prix de l’usage 2 , représente cette part fixée d’avance et calculée à forfait.

Le droit, pour le possesseur d’un capital d’entrer en partage d’un supplément de produit obtenu grâce à la jouissance de son capital, n’est pas plus contestable que le droit du travailleur à un salaire, ou que le droit qui appartient à chacun d’exiger une rémunération pour un service rendu.

La légitimité du contrat n’est, d’ailleurs, nullement entachée par le fait que la part du prêteur est fixée à forfait, et il n’est pas besoin de longs développements pour justifier cette convention qui dispense le prêteur d’intervenir dans les affaires et dans les comptes de l’emprunteur. C’est pour les mêmes raisons que l’usage du forfait se re- . De ce que l’engagement du travailleur moyennant ■salaire peut être comparé, du point de vue économique à la location d’un capital productif, il ne s’ensuit pas que l’ouvrier doive être assimilé, dans la pratique des affaires, à une simple machine, et que celui qui en achète les services soit libéré de toute obligation par le payement du salaire con-Tenu. Par cela seul qu’il achète le travail d’un être humain le patron contracte envers celui-ci des obligations morales infiniment plus graves et plus strictes que la dette matérielle résultant d’un contrat de vente, de location, de fermage ou de prêt (V. Patbokat).

. L’ancien mot usure (du mot latin uii t utor. usum) exprimait avec la plus grande précision que la rémunération stipulée pour le prêt d’un capital est le prix de l’usage, de la jouissance de ce capital.

~ 83 — INTÉRÊT

trouve dans nombre de transactions telles que le bail à ferme, le bail à loyer, le contrat de salaire. Tout comme le prêt à intérêt, ces divers contrats seraient le plus souvent impossibles s’ils ne pouvaient être réalisés que sous forme d’association ; ils deviennent au contraire singulièrement faciles, rapides et sûrs dès qu’ils sont conclus à forfait comme l’échange ou la rente. ’

En résumé, l’intérêt est légitimé par la science économique comme étant le prix dont on achète le droit exclusif de jouir d’un capital pendant un certain temps et de bénéficier de tous les profits que peut procurer son utilisation. . Circonstances qui influent sur l’offre et la demande du capital et déterminent le taux de l’intérêt.

Le taux de l’intérêt s’établit comme le prix d|une marchandise ou d’un service, suivant l’offre et la demande qui sont faites du capital. La demande dépend de la productivité du capital ; l’offre, de son abondance ou de sa rareté, et des conditions de sécurité où il se trouve.

A. Productivité. — Le capital est plus ou moins demandé, selon le produit qu’il est susceptible de donner ; sa productivité varie avec les conditions économiques au milieu desquelles il est employé.

Le capital estpeu productif etpeu demandé dans une société où l’agriculture, l’industrie, le commerce sont stagnants ou peu développés. Il est recherché quand les occasions de l’employer sont nombreuses ou que les emplois qu’on en peut faire donnent des produits abondants : il en est ainsi dans les centres où. la vie économique est active et partout où le capital peut servir à créer de nouvelles richesses, — mise en valeur de ressources naturelles, accroissement de production par suite de l’acquisition de débouch s nouveaux grossissant la clientèle d’une localité ou d’une région, etc.

La demande du capital dépendant de saforcproductive, l’intérêt, prix de location du s )r’~ vice productif du capital, tend à varier comme la valeur de ce service suivant les temps et les lieux ; mais ce prix reste sensiblement le même pour l’ensemble des capitaux disponibles en un moment et en un lieu donnés. Ce prix s’établit, en effet, non sur le rendement des capitaux anciennement engagés dans des entreprises, — celles-ci pouvant être plus ou moins rémunératrices que celles qui restent à faire — mais sur la productivité moyenne des capitaux le plus récemment employés. Telle est la première des bases sur lesquelles s’établit, dans le marché, le niveau général du loyer des capitaux.