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voies ferrées, rendent aux hommes le service de faciliter leurs déplacements, et augmentent r utilité des choses en les rapprochant de ceux qui les demandent.

Cette classification, simple et en même temps complète, permet de se rendre facilement compte, pour chaque industrie, du rôle qu’elle remplit et du concours qu’elle apporte à l’œuvre générale de la production. Elle montre d’abord combien les diverses industries sont dépendantes les unes les autres. Car, d’une part, elles coopèrent à la même œuvre, les industries extractives et agricoles fournissant les matériaux que les industries manufacturières transforment, et les industries du commerce et des transports jouant le rôle d’intermédiaires par les soins desquels les échanges et les déplacements nécessaires s’accomplissent. D’autre part, c’est seulement parce qu’elles se secourent mutuellement que chacune d’elles peut recruter un personnel disposé à lui consacrer toute son activité. L’ouvrier des manufactures a besoin que l’agriculture lui fournisse des aliments, et l’ouvrier agricole s’en remet aux fabricants de drap du soin de lui procurer des vêtements ; le voiturier compte sur les industries extractives pour produire le charbon avec lequel il se chauffera ou fera fonctionner sa locomotive, et la compagnie minière sait que les chemins de fer sont là pour transporter ses produits dans les centres de consommation.

De ces premières observations, il est aisé de conclure que la régularité du mouvement économique dépend essentiellement d’une loi de proportionnalité qui doit être observée constamment dans le développement des diverses industries. Si un grand nombre de travailleurs ou une grande quantité de capitaux se portait tout à coup vers l’une d’elles, de façon à augmenter son rendement sans qu’un progrès correspondant se fît sentir dans les autres, l’équilibre indispensable se trouverait rompu ; le travail cesserait d’être convenablement organisé. Une partie des produits obtenus serait alors inutilisable, la société éprouverait une perte et sa puissance productrice serait diminuée (V. Crises.) Voilà pourquoi, au xix e siècle, le développement économique n’a pris son plein essor qu’après une préalable transformation des industries commerciale et des transports. Les prodigieux changements opérés au sein des industries extr active et manufacturière par l’invention des machines et les arrangements de la grande production ne pouvait produire qu’un effet restreint tant que le commerce et les transports n’en subissaient pas 1 influence directe. Intermédiaires entre les autres, ces deux industries, en effet, facilitent ou retardent les progrès de celles-ci selon qu’elles-mêmes progressent ou demeurent stationnaires. Là où elles sont peu développées, l’organisation industrielle, aulieu d’obéir à la nature et de suivre les agents naturels dans leur distribution, au lieu de se soumettre aux conditions qu’exige l’application des inventions humaines, se trouve dominée par des nécessités de voisinage, chaque industrie étant contrainte de s’établir à proximité des matières premières employées par elle et de se tenir à portée des consommateurs. Le développement des transports et du commerce brise ces entraves, affranchit les entrepreneurs. Chaque région a, dès lors, des industries propres dont les conditions naturelles favorisent l’essor. Une division analogue du travail s’établit même entre nations, chaque peuple développant certaines spécialités, sauf à demander aux autres, par la voie de l’échange, les produits dont il aura négligé la fabrication. C’est ainsi que, de nos jours, l’Angleterre achète au dehors plus de la moitié du blé qu’elle consomme, et que l’on voit de grandes nations comme la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique, consacrer chaque année des forces immenses à manufacturer un produit de la terre, le coton, qu’elles ne pourraient songer à tirer de leur propre sol.

Ces faits n’impliquent nullement que les hommes soient dispensés de maintenir un équilibre constant entre les diverses branches de la production. Mais, grâce aux industries du commerce et des transports, il n’est plus nécessaire que cet équilibre se trouve réalisé dans chaque région ou même sur le territoire de chaque nation ; il suffit qu’il le soit dans l’ensemble du monde. Les relations des peuples en deviennent plus étroites et Tindustrie peut s’organiser dans les conditions les plus favorables au développement de la productivité (V. Liberté des échanges). Nous avons d’autant plus insisté sur l’utilité du rôle rempli par l’industrie commerciale et par celle des transports, que les économistes ne sont pas encore d’accord pour leur reconnaître le caractère d’industries productives (V. Commerce).

Les Physiocrates, on le sait, n’apercevant pas que la nature seconde l’homme dans tous ses efforts raisonnes, n’attribuaient qu’aux industries agricole et extractives le caractère productif. Seules, pensaient-ils, elles étaient susceptibles de fournir une plus-value, les autres ne pouvant que reproduire, sous une autre forme, l’équivalent exact du travail et du capital qu’on y employait. On est au jour-