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malgré leur importance, sont des aliments de luxe. Le travailleur, quel qu’il soit, supporte, sans espoir de récupération la taxe, mais comme la nécessité n’existe pas, ou n’est qu’accidentelle, l’effet de l’incidence n’est pas discuté.

° Boissons nécessaires. — • Adam Smith ne comprenait aucune boisson parmi les objets nécessaires à la vie. Cette opinion ne saurait prévaloir aujourd’hui. Les sacrifices immenses que les Français ont faits et continuent de faire pour se procurer du vin, sous quelque forme que ce soit ; l’a répulsion des Allemands pour les droits sur la bière, indiquent les besoins des populations. On peut considérer que le vin et la bière sont devenus des objets nécessaires à la vie, non point au même degré que le pain et que le sel, mais à un point tel, cependant, que les hommes d’État doivent en tenir compte. C’est ce qui a lieu en Angleterre et en Allemagne, quant à la bière ; mais c’est ce qui n’a pas lieu en France, quant au vin, notamment à Paris, où la pièce de 228 litres acquitte encore à peu près 60 fr. de droits, soit un impôt moyen de 40 p. 100 au moins de la valeur réelle. C’est certainement une taxe exorbitante. Que faut-il penser du café et du thé, dont la consommation a pris une si grande extension ?

Nous serions porté à les accepter dans 

le groupe des boissons nécessaires, sous le bénéfice d’une distinction. Toutes les boissons ne sont pas également nécessaires. En France, le vin et le café suffisent ; en Angleterre la bière et le thé ; en Russie, le thé ; en Italie et en Espagne, le vin. Le climat exerce, quant aux boissons, une influence décisive. Ainsi, en Algérie, le café est nécessaire. L’Arabe le comprend dans ses dépenses ordinaires. Ce qui distingue P Arabe du Touareg, e’est qu’il est assez riche pour consacrer 5 centimes par jour à une tasse de café, sucre compris. Le Touareg est trop pauvre pour une pareille dépense.

° Boissons de luxe. — Toutes les liqueurs, tous les alcools, et, selon le climat, le thé, le café, et même le vin, dans le Nord, sont des boissons de luxe.

Il n’y a de contestation qu’à l’égard des alcools. Le développement énorme de leur consommation et les ressources extraordinaires qu’ils produisent ont provoqué de très nombreuses discussions. On a soutenu que l’alcool menaçait la civilisation de l’Europe, démoralisait les familles et les classes ouvrières, propageait le suicide, occasionnait des névroses redoutables. Il est bien difficile d’admettre qu’une dépense lussi élevée, faite par les peuples septentrionaux, car la zone alcoolique s’abaisse singulièrement avec la latitude, ne corresponde pas à une certaine nécessité. En tout cas, les dépenses que les classes ouvrières consacrent à l’alcool, malgré leur excès, sont la meilleure réponse aux publicistes qui contestent les progrès qu’elles ont réalisés et l’importance de leur part dans la production.

D’autre part, il faut reconnaître que les États ont exploité avec un empressement excessif le caprice des buveurs d’alcool ; car. si la dépense est forte, c’est que l’impôt a été porté à un taux d’une exagération certaine, notamment en Russie et en Angleterre, où il a atteint la limite au delà de laquelle le fisc perd plus qu’il ne gagne. Il n’y a aucune proportion entre la valeur de l’alcool comme produit et son prix de consommation. C’est l’impôt qui fait la différence ; la valeur moyenne de l’hectolitre varie de 40 à 50 fr. : le droit est de 152 francs en France, 400 francs en Angleterre, 500 francs en Russie, 275 francs aux États-Unis et 102 francs en Allemagne. Monopoles. — Tabacs. — Allumettes. — Les allumettes appartiennent à la catégorie des produits divers nécessaires à la vie. On a constitué leur production en monopole en France ; c’est un mauvais précédent. Ce sont les consommateurs qui en font les frais. Le succès de ce monopole a inspiré à des publicistes l’idée de soumettre -également les alcools, pour la fabrication ou par la vente, à un monopole analogue.

La Suisse vient d’établir le monopole delà vente. L’Allemagne a tenté d’imposer à la fois le monopole de la fabrication et celui de la vente. Les populations s’y sont opposées ; elles y ont reconnu un essai regrettable d’intervention de FÉtat dans le domaine de l’industrie privée et une aggravation d’impôts. Elles se sont aussi montrées rebelles au monopole des tabacs. Il est difficile de faire entrer le tabac dans le nécessaire physique de Vhomme. Toutefois, il ne serait pas raisonnable d’admettre, pas plus que pour l’alcool, que les hommes emploient des sommes considérables à ce qui ne serait qu’un pur caprice. Pour le tabac, comme pour l’alcool, il est sage de faire une part au besoin. C’est pour cela que les Allemands ont repoussé le monopole du tabac, comme celui de l’alcool. L’incidence de ces impôts ou monopoles n’a jamais fait difficulté. Le consommateur la subit entière ; il ne peut espérer, à moins de faire partie des salariés privilégiés par leurs talents ou favorisés du sort, que le salaire lui bonifiera ses dépenses. Certains financiers en ont conclu qu’ils avaient libre carrière 1 , et quant au tabac et quant à l’alcool. L’impôt ne doit jamais avoir