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ver des prêteurs. Pitt répondit à ces appréhensions en proposant, en 1786, un plan d’amortissement (voy. ce mot) sur les bases suivantes : un million de livres sterling devait être affecté chaque année au rachat des titres sur le marché ; les titres rachetés ne devaient pas être détruits et leur revenu devait s’ajouter au fonds d’amortissement ; ce fonds devait être administré par une haute commission chargée surtout de s’opposer à tout détournement de destination des sommes affectées à l’amortissement. Sur la proposition de Fox, on décida que les commissaires pourraient employer les fonds d’amortissement à souscrire aux emprunts nouveaux aussi bien qu’à racheter les titres anciens. L’adoption du plan d’amortissement eut pour effet d’affermir le crédit de l’Angleterre (V. Finances de l’Angleterre) en inspirant la conviction que l’extinction graduelle de la dette ancienne garantirait l’avenir de charges excessives et assurerait ainsi la solvabilité du Trésor. La même année 1786, le traité de commerce avec la France remplaça un certain nombre de prohibitions par des droits de douane et réduisit les tarifs antérieurs. Les taxes de douane, d’accise et de timbre étaient fort compliquées ; leur complication provenait de ce qu’elles avaient été affectées à la garantie de divers emprunts, et que pour chaque emprunt garanti, on avait créé des taxes spéciales, distinctes des précédentes auxquelles elles venaient s’ajouter ; certains objets payaient, de la sorte, jusqu’à quatorze droits de douane différents. Le bill de consolidation présenté par Pitt supprima ces taxes multiples, source de confusions et d’abus, et les remplaça par une taxe unique sur chaque objet, calculée de manière à donner un produit équivalent à celui des droits abolis ; l’ensemble de ces taxes déclarées permanentes et soustraites au vote annuel du Parlement constitua le fonds consolidé qui fut spécialement affecté au service de la dette. En 1787, la décision avec laquelle Pitt menaça la France de s’opposer à toute intervention de sa part dans les affaires de Hollande fit abandonner au cabinet de Versailles le projet qu’il avait eu de soutenir les États-Généraux contre le stathouder ; trois ans plus tard, le conflit soulevé par l’Espagne à propos de la baie de Nootka fut encore résolu pacifiquement grâce à l’énergie des représentations adressées à la cour de Madrid et aux armements considérables qui les accompagnèrent.

Neuf années de paix et de sage administration avaient suffisamment amélioré l’état des finances pour qu’en 1792, Pitt songeât à supprimer certaines taxes, mais les événements qui se succédaient en France ne tardèrent pas à l’engager dans une voie opposée. Il désirait conserver la neutralité aussi longtemps qu’elle serait possible, mais le caractère de propagande pris par la Révolution française, la conquête de la Belgique et les menaces à l’égard de la Hollande, provoquèrent des inquiétudes en Angleterre et le déterminèrent à faire des préparatifs. L’indignation soulevée par l’exécution de Louis XVI augmenta la tension des rapports entre les deux puissances et, le 1er février 1793, la Convention déclara la guerre à l’Angleterre. Pitt fut moins heureux dans la conduite des hostilités que dans sa gestion financière ; la flotte anglaise maintint sa suprématie sur mer, mais sur le continent les troupes anglaises et leurs alliés essuyèrent des échecs continuels. Cependant, la confiance que le premier ministre avait su inspirer, lui permit de trouver toujours les ressources nécessaires pour soutenir la guerre ; il ne négligea rien d’ailleurs pour sauvegarder les intérêts du Trésor ; ainsi il substitua les marchés par adjudication publique aux marchés de gré à gré pour les fournitures des troupes employées au dehors ; pour le payement des fournitures de la marine, il remplaça les billets à échéance indéterminée, qui ne se négociaient que sous un escompte élevé, par des billets à quatre-vingt-dix jours qui, régulièrement acquittés, furent bientôt considérés comme argent comptant et négociés sans perte. En 1796, l’état défavorable du marché le décida à ouvrir un emprunt inévitable par souscriptions individuelles ; grâce à l’élan patriotique des souscripteurs, il obtint ainsi à des conditions meilleures les sommes dont il avait besoin. Entré dans la guerre à regret, il était prêt à en sortir dès que l’occasion s’offrirait de signer une paix durable ; en 1796 et 1797, des pourparlers furent entamés en ce sens, mais il fut impossible de se mettre d’accord. La continuation de la guerre exigeant de nouveaux sacrifices, il créa, en 1799, l’income tax ou impôt sur le revenu (V. Revenu) ; cet impôt frappait l’ensemble des revenus tel qu’il résultait de la déclaration de chaque contribuable, contrôlée par une commission chargée d’en apprécier la sincérité. Cet impôt qui atteignait 10 p. 100 des revenus sauf exemption ou modération pour les revenus inférieurs à 200 livres sterling ne subsista, dans sa forme primitive, que jusqu’en 1802 ; il fut rétabli, dès 1803, sous le nom de property tax mais sur des bases différentes.

Après la répression de la révolte de l’Irlande (1798), Pitt voulut substituer un régime plus équitable au système oppressif jusqu’alors en vigueur. L’acte d’incorporation qui