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hition fut levée sur les bestiaux, la viande fraîche et le poisson, et remplacée par des droits modérés. A la sortie, les charbons de terre, les livres,, les peaux, les minerais, la terre de pipe, furent affranchis de tout droit. Des réductions notables furent opérées sur les autres articles, parmi lesquels se trouvaient le lard , le bœuf salé, la faïence, le bois d’acajou, l’huile d’olive, les bois de construction, les cuirs, les chaussures, le goudron, le suif, le riz, le café. Ces réformes furent poursuivies en 1843 et 1844. Les prohibitions furent abolies, les droits sur les matières premières abaissés à une limite maximum de 50 p. 100, et les droits sur la plupart des articles manufacturés réduits à 21 ou 20 p. 100. Contrairement aux prévisions des vieux tories, qui se lamentaient de voir le chef du parti conservateur abandonner l’arche sainte de la protection, ces réformes furent avantageuses au Trésor public aussi bien qu’aux consommateurs. En dépit, ou pour mieux dire à cause des réductions de droits, le revenu ordinaire, qui était tombé à 47 917 000 livres en 1841, s’éleva à 38 125 000 livres en 1844.

Le privilège de la Banque ayant expiré en 1844, Robert Peel le fit renouveler par l’acte qui porte son nom. Cet acte, dont les dispositions ont été reproduites ailleurs (Voyez Banque), fut une de ses conceptions les moins heureuses. Il ne résista point, comme on sait, aux crises de 1847, 1857 et 1866 : on fut obligé alors d’en suspendre les effets pour éviter une catastrophe commerciale et financière.

En 1845, RobertPeel, enhardi par le succès de ses premières réformes commerciales, marcha plus avant dans cette utile et glorieuse voie. Les droits sur les matières brutes mises en œuvre dans les manufactures, sur les matières tinctoriales, sur les huiles, furent supprimés. Les manufactures de verres et de cristaux furent exonérées en même temps de tout droit d’accise. Le sucre subit un premier dégrèvement ; les cotons et les laines furent affranchis, ainsi que 430 articles (sur 812) de moindre importance. Enfin ces réformes furent couronnées en 4846 par l’abolition des lois céréales, que le mouvement de VAnti-corn-law-league préparait depuis huit ans (V. Ligoe). En présence du déficit de la récolte dans la Grande-Bretagne et de l’épouvantable famine qui désolait l’Irlande, comme aussi de l’agitation des esprits, remués par les prédications de la Ligue, l’abolition des lois céréales était devenue une nécessité. Robert Peel le comprit. Néanmoins il pensa que ce n’était pas à lui, qui avait si longtemps repoussé cette réforme au nom du parti protectionniste, à la réaliser. Il voulut laisser cet honneur aux whigs et il donna sa démission. Mais lord John Russell n’ayant pas réussi à former un cabinet, il reprit son portefeuille avec la résolution bien arrêtée de donner satisfaction à l’opinion, en dépit des résistances de son propre parti. A l’ouverture du parlement (22 janvier 1846), il annonça la réforme des corn-laios et, cinq jours plus tard (27 janvier), il en demanda l’abolition dans son plan financier. Cette nouvelle excita au plus haut degré la colère des protectionnistes ; mais Robert Peel ne céda pas plus à leurs clameurs qu’il n’avait cédé à celles des bigots du protestantisme, à l’époque de l’émancipation des catholiques. Grâce à l’ascendant moral qu’il avait acquis en cédant au vœu de l’opinion, grâce aussi à son éloquence persuasive, il réussit à faire adopter son plan à la Chambre des communes, et l’appui du duc de Wellington lui valut le même succès à la Chambre des lords. Après avoir remporté cette victoire décisive, RobertPeel abandonna les affaires à lord John Russell, qu’il soutint constamment dans les questions commerciales, et à qui l’appui du bataillon des peelites, c’est-à-dire des conservateur s qui avaient aban donné avec Robert Peel la vieille bannière de laprotection, permit d’accomplir la réforme du tarif des sucres et celle des lois de navigation. Dans les derniers jours de juin 1850, RobertPeel prononçait un discours où il justifiait d’une manière éloquente l’appui désintéressé qu’il accordait au cabinetwhig et où il manifestait toute sa confiance dans l’avenir de la réforme commerciale : « Bien loin, disait-il, d’avoir fait à l’égard des principes de la liberté commerciale le moindre compromis avec les membres qui siègent auprès de moi et dont j’ai eu le malheur de perdre la confiance, je répète solennellement que chaque jour qui s’écoule me convainc de plus en plus que la paix et la prospérité de ce pays sont intimement liées à l’adoption franche, dénuée de toute arrière-pensée, de ces principes ». A quelques jours de distance, une chute de cheval étendait Robert Peel meurtri, blessé à mort, sur le pavé de Constitution-Hill (29 juin). Trois jours après il rendait le dernier soupir. Conformément à ses dernières volontés, son corps fut inhumé sans pompe dans le modeste cimetière deDrayton-Bassett. Mais sur la proposition de lord John Russell, la Chambre des communes décida qu’un monument serait consacré à sa mémoire dans l’abbaye de Westminster. Des statues lui ont été élevées aussi dans plusieurs villes de l’Angleterre.