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PATRONAGE

PATRONAGE

parts de la somme due : l’une est acquise (ce qui ne veut pas dire versée) aux intéressés du jour de l’inventaire ou du jour où il est approuvé s’il s’agit d’une société anonyme, et l’autre ne leur appartient qu’après un temps de... passé dans la maison ; moyen d’encourager la stabilité du personnel. Ce principe de la participation aux bénéfices a, en quelques maisons, reçu une telle extension que ceux qui y étaient simplement employés sont ainsi devenus copropriétaires de l’établissement. Ainsi en est-il dans la maison du Bon Marché, dans la papeterie Laroche-Joubert d’Angoulême, dans l’usine Godin, de Guise (Aisne). La maison de peinture Le claire, dont le fondateur a été l’un des premiers promoteurs du système, appartient entièrement aujourd’hui aux ouvriers. Après avoir été simples participants, ils sont devenus actionnaires et seuls actionnaires de l’entreprise transformée en société anonyme. Voilà quels sont les différents modes de patronage. Tantôt c’est l’un seulement de ces modes qui est employé, tantôt plusieurs le sont ou même tous à la fois. Les sacrifices consentis ainsi par quelques patrons sont grands : la maison Marne, de Tours, y avait employé, en 1888, une somme de 78 534 francs alors que les salaires payés dans l’année s’élevaient à 853 000 francs. La Compagnie d’Anzin avait, en 1887, dépensé en subventions 886 776 fr. ou 77 fr. 46 par ouvrier, sans compter les allocations de combustible. Le Creusot avait dépensé ainsi 1 623 000 francs ou 10 p. 100 en sus des salaires, soit 136 francs par ouvrier. A Blanzy, les subventions avaient été de 1 052000 francs ou 18 p. 100 des salaires donnant 203 francs par ouvrier 1 . Et ces institutions ne sont point de rares exceptions. Un ancien chef d’industrie, M. Gibon, qui a été directeur des forges de Commentry, estime que les institutions patronales de prévoyance profitent à plus d’un million d’ouvriers et il assure que, dans les houillères, sur 100 pensions touchées par des ouvriers de leur ancien patron, 7 seulement proviennent de condamnations judiciaires prononcées à la suite d’accidents ; 93 viennent des fondations patronales et on sait que dans les versements qui les alimentent les ouvriers fournissent la moindre part ou ne fournissent même parfois rien.

A cela il faut ajouter cette sorte de patronage qui ne se mesure pas en argent et dont pourtant l’action est bien supérieure à celle que procurent les seuls sacrifices pécuniaires. 11 a été parlé de ce que font pour leurs ouvriers personnellement certains pa- . Chiffres donnés par M. Picot, Réforme sociale, 1890, p. 657.

trons, voici ce que déposait dans l’enquête industrielle de 1870 un maître de forges, M. André : « Dans notre industrie de Champagne, les patrons croiraient véritablement manquer à leurs devoirs en ne conservant pas dans leurs usines et pour ainsi dire, jusqu’à leur dernier jour, en leur assignant un semblant d’emploi lorsque leurs forces ne leur permettent plus un travail actif, ceux de leurs ouvriers dont l’existence ne serait pas assurée ».

Mais quel résultat procurent ces institutions ou ces pratiques du patronage ? . Effets du patronage.

Ici les témoignages sont absolument variables. Certains patrons assurent que les dispositions de leurs ouvriers en ont été changées et que les bons sentiments de ceuxci, leurs sentiments à l’égard du chef d’industrie le prouvent suffisamment. « La bonne entente entre patrons et ouvriers, déclaraient en 1889 les chefs de la maison Rivoire et Canet, de Lyon, est démontrée par les manifestations sympathiques qui ne manquent pas de se produire à l’occasion de certaines circonstances telles que : mariage d’un membre de la famille, un décès, etc. »

Le propriétaire de l’usine de Villeneuvette (Hérault) disait à la même date qu’il n’y a jamais eu de difficulté entre les ouvriers et les chefs de la maison, bien qu’elle date du xvii siècle (fabrique de drap). Sur 356 ouvriers, quelques-uns ont plus de soixante ans de présence, plusieurs familles sont là depuis 150 ans. Il attribuait cette bonne harmonie à l’esprit religieux des ouvriers et à la présence du patron parmi eux. C’est là une très ancienne maison à patronage patriarcal, en voici une plus récente.

La Société de la Vieille-Montagne (mines et fonderies de zinc) possède 21 établissements répartis en Belgique (où est le siège de la société), en France, en Algérie, en Suède, en Allemagne, en Sardaigne et en Espagne. Elle occupe 250 employés techniques et 6300 ouvriers permanents faisant avec leurs familles plus de 20 000 personnes. Or, en 1888, lorsque la Société a fêté le cinquantième anniversaire de sa fondation « les établissements les plus lointains ont tenu à envoyer à leurs frais des délégations d’ouvriers et d’ingénieurs pour remercier le directeur général qui, depuis plus de quarante ans, préside aux destinées de la Société et qui a su créer et maintenir avec le concours d’un conseil d’administrateurs généreux d’aussi bonnes traditions de patronage ». « Et ce n’étaient pas, ajoutent MM. Cheys-