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PATRONAGE

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PATRONAGE

qui les retienne, qui les fixe, parce qu’ils savent que la misère de son domicile est souvent ce qui porte l’ouvrier à chercher la distraction du cabaret. Et afin que ces maisons soient recherchées, ces bons patrons les mettent à un prix minime, consentant à ne tirer de l’argent engagé que deux à deux et demi pour cent. Ils y joignent souvent cette sorte de protection de tutelle spontanée bien plus précieuse que les libéralités pécuniaires. Je puis citer une cité ouvrière, annexe d’une usine, qui occupe quinze cents personnes où la femme et les filles du patron connaissent tous les intérieurs, toutes les familles, où la maison louée par tout nouveau ménage est meublée gracieusement par la famille du patron et une autre encore où le repas de "noce se donne chez le patron et à sa table. Le type le plus souvent décrit des maisons ouvrières est celui de Mulhouse. Là, ce sont des patrons associés qui ont fait construire des rues entières. Ils louent ces maisons moyennant une somme représentant à la fois le loyer et l’amortissement du capital, si bien que les locataires deviennent propriétaires au bout d’un certain nombre d’années. Cette mesure est excellente pour fixer les ouvriers trop nomades aujourd’hui et leur donner le goût de leur intérieur. Maïs il arrive que par suite de mutations, soit entre vifs, soit surtout après décès, les maisons passent en des mains étrangères, surtout aux mains de cabaretiers qui, exclus auparavant par la sollicitude des fondateurs de l’œuvre, s’empressent d’entrer dans la place et y font le mal qu’on avait précisément voulu éviter. C’est pour ce motif que nombre de patrons ont renoncé à rendre leurs ouvriers propriétaires. Ils se bornent à leur assurer la jouissance commode de maisons construites pour eux, mais où ils ne laissent s’établir ni bals publics, ni cabarets. Ces cités ouvrières ont souvent pour annexes des lavoirs et des bains où l’on fait servir les eaux chaudes de la fabrique et dont l’usage est assuré aux ouvriers à des prix très minimes (V. Logements ouvriers). e. Crèches. Salles d’asile. Orphelinats. — Que peuvent faire pour leurs enfants lés mères de famille occupées à l’usine ? Sans doute il vaudrait mieux que la femme n’eût pas à y travailler, sa place est au foyer. Mais lorsque le père manque ou que son salaire ne suffit pas, rendrait-on service à la femme en lui refusant le travail qui pourra la faire vivre ? Lors donc que la mère est à l’usine, que deviennent ses jeunes enfants ? C’est pour les garder que sont instituées les crèches et les salles d’asile, mais il n’y a guère de crèches en dehors des villes ; dans les villes même, il n’y en a qu’en certains endroits ; les salles d’asile sont plus nombreuses, mais il ne s’en trouve pas cependant à portée de tous les établissements d’industrie. C’est ce qui a décidé de bienfaisants patrons à en ériger fort près de leurs usines pour la commodité de leurs ouvrières.

Quelques-uns y ont joint des orphelinats, tenus ordinairement par des religieuses, comme les crèches et les salles d’asile, où sont recueillis les enfants que le décès de leurs parents, ayant travaillé dans la maison, a laissés sans appui. La charité la plus ingénieuse, le patronage le plus intelligent président à leur conduite. Dans un de ces orphelinats on s’inquiète pour les enfants qui y sont reçus de la commodité de leur situation. Trouvant tout le nécessaire, ils ne connaîtront pas les difficultés de la vie. Il est donc entendu que dès qu’ils travaillent dans l’usine il est fait deux parts de leur salaire : l’une servant à payer le logement et la nourriture est versée à l’orphelinat ; les enfants doivent, avec l’autre, qui ne leur est pas remise, mais affectée à l’emploi par eux désigné, pourvoir à leurs vêtements et autres menus besoins. Ils apprennent ainsi à dresser un budget et à régler l’emploi de leurs ressources.

A l’orphelinat de jeunes filles fondé par la maison Thiriezde Loos-lez-Lille,il est prélevé sur le salaire des pensionnaires 1 fr. 15 par jour pour leur entretien ; le reste s’accumule et assure à chacune d’elles une dote qui va de 1000 à 3000 francs au moment de son mariage.

Voilà quelques-unes des formes du patronage ; on a pu remarquer que l’action du patron y était tout ; c’est lui seul qui fonde ces diverses sortes d’institutions, qui seul aussi les conduit et pourvoit à leurs besoins. Mais ces patrons bienfaisants n’ont pas tardé à reconnaître que leurs œuvres gagneraient beaucoup à être entreprises de concert avec les intéressés, ou plutôt qu’après les avoir fondées et subventionnées ils trouveraient avantage à faire intervenir dans leur conduite les ouvriers pour qui elles sont faites, avantage même à les faire participer aux frais, car on s’attache plus à ce qui a coûté quelque sacrifice qu’à ce qu’on reçoit gratis. Cette intervention des ouvriers n’est point possible dans les œuvres qui viennent d’être décrites, elle l’est dans quelques autres : institutions de secours et de prévoyance, économats, œuvres de recréation et voici les avantages que l’on y trouve. D’abord en admettant les ouvriers dans la gestion des caisses de secours, de retraite, d’achat de denrées, on les convainc que ces institutions sont fax-