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PAPIER-MONNAIE

PAPIER-MONNAIE

, que, pour la première fois, la France eut recours à cet expédient. A cette époque, la banque de Law (voy. ce nom) était en pleine déconfiture, les caisses publiques étaient vides, la faillite semblait imminente et, pour con j urer le danger, le gouvernement crut bien faire en faisant rendre par le Conseil d’État l’arrêt du 21 décembre 1719. Les espèces d’argent ne devaient plus être reçues dans les payements au-dessus de 10 livres, la monnaie d’or au-dessus de 300 livres : c’était décréter le cours légal des billets de labanque de Law. En outre, il était stipulé que le payement de toutes les lettres de change se ferait en billets, et comme il était déjà impossible de rembourser à vue ces derniers, c’était rétablissement du cours forcé. .

La mesure manqua complètement son but. L’effet qui se produisit fut tout autre que celui qu’on en attendait : la banque sombra, entraînant dans sa chute le crédit de l’État déjà très menacé.

En 1797, la Banque d’Angleterre se trouva dans la même situation. Le gouvernement anglais, dirigé par Pitt, avait entrepris la guerre contre la France et il avait fait payer à la Banque la prolongation de son privilège en l’obligeant à lui faire des avances considérables. Les actionnaires de cette compagnie avancèrent d’abord, sur le capital d’établissement de la société, la somme de 292 170000 francs, et quelque temps après 266 806 225 francs en billets, mais comme on ne pouvait rembourser les billets émis, il fallut, pour sauver la situation, leur donner cours forcé : le gouvernement profita de la nouvelle mesure pour porter à 322 417 500 fr. les avances en billets que devait lui faire la Banque et cette nouvelle émission eut pour résultat de faire baisser la valeur des billets de la Banque d’Angleterre et de leur faire perdre jusqu’à 30 p. 100. L’État y gagna des sommes considérables, car, sans augmenter les rentes qu’il payait aux porteurs des titres de sa dette, il les solda en billets d’une valeurréelle plus faible d’un tiers que leur valeurnominale. Un statisticien anglais, M.Robert Mushet, a évalué la perte que subirent alors les rentiers à 1326681050 francs. La panique dura peu néanmoins et, bien avant que les billets pussent être remboursés, leur valeur se releva jusqu’au point d’atteindre les environs du pair.

La crise n’avait donc eu pour cause en Angleterre qu’une émission disproportionnée à la réserve. Elle avait été amenée par les avances abusives faites par la Banque au gouvernement.

Tout autre fut la situation de la Banque de France en 1848. Le gouvernement provisoire avait à faire face aux demandes de remboursements des déposants des caisses d’épargne. Il fit escompter à la Banque de France pour 80 millions de bons du Trésor, mais en même temps, par le décret du lo mars 1848, il apporta au droit d’émission des billets considéré jusque-là comme illimité par la législation, une limitation formelle. Ce décret du lo mars, qui établissait également le cours forcé, fixait à 3 50 millions la somme des billets que la Banque pourrait mettre en circulation tant à Paris que dans ses quinze comptoirs départementaux. Le 30 juin, un traité intervint entre le gouvernemeut et la Banque. Celle-ci s’engageait à fournir à l’État une nouvelle avance de 150 millions garantie pour la première moitié en rentes inaliénables, pour l’autre en forêts domaniales 1 . Le décret du 5 juillet 1848 vint sanctionner cet arrangement, et le maximum de la circulation fiduciaire, porté d’abord à 452 millions en raison de la réunion des banques départementales à la Banque de France le 2 mai 1848, fut définitivement fixé à 525 millions par la loi du 29 décembre 1 84-9. Le cours forcé des billets et la limitation de leur émission nuisaient également aux affaires. Dès que le gouvernement eut repris un peu de stabilité, il s’empressa de révoquer ces mesures que la nécessité avait commandées et la loi du 6 août 1850 abolit le cours forcé et le cours légal et rendit toute liberté d’émission à la Banque de France.

Une dernière fois, cette société a dû subir le cours forcé. C’était en 1870, après la déclaration de la guerre avec l’Allemagne. Dès le 18 juillet, le gouvernement s’adressait au crédit de la Banque et le 22 août il décrétait le cours forcé de ses billets. Le maximum de la circulation fixé à 1800 millions, successivement porté le 14 décembre 181 7 à 2800 millions et le 15 juillet 1872 à 3200 millions. Les avances de la Banque au Trésor, faites d’abord sur simples lettres non régularisées, s’élevaient en décembre 1870 à 415 millions, mais elles étaient insuffisantes. Le gouvernement de laDéfensenationale,par une convention du mois de décembre 1870, imposait à la Banque l’obligation de faire, par sommes de 100 millions, toutes les avances nécessaires aux besoins de la guerre et grossissait ainsi sa dette à tel point que le 21 juin 1871, une loi l’évaluait à 1320 millions. Le même texte ajoutait encore 210 millions à cette somme, ce qui portait le total du crédit de la Banque à 1530 millions. Mais les mesures de libération étaient prévues. Le gouvernement devait . Cette seconde moitié ne fut jamais employée. La loi du 6 août 1850 l’annula.