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OUVRARD

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OUVRARD

en irrigations ou canaux, construire des chemins, reboiser les forêts, etc. ». Le talent naturel de l’auteur et sa grande expérience des affaires, comme Gontador de Castilla(compiable de la couronne), lui fournirent des appréciations très justes en économie politique.

ORTIZ {José Alonso). — Cet auteur espagnol a été cité par don Manuel Colmeiro, dans sa Bibîioteca de los Economistes espanoles de los siglos xvi, xvn et xvm (Bibliothèque des Économistes espagnols des xvi e , xvn e , et xvm e siècles) au sujet de son célèbre Ensayo economieo sobre el sîstema de la moneda papel y sobre el erediio publico. Se escribio contra algunas preocupaciones vulgares. (Essai économique sur le système du papier-monnaie et le crédit public, écrit contre les préjugés vulgaires. Madrid, 4796).

L’auteur fut l’élève et le traducteur en espagnol des œuvres de Smith : Investigation de la naturaleza y causas de la riqueza de las naciones, Valladolid, 1794 (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations), œuvres qu’Ortiz a enrichies de notes très érudites et d’une haute importance. L’auteur a suivi les doctrines de Smith ; son livre mérite d’être lu au point de vue du crédit public, des échanges, du change, du papier-monnaie etc.

A. A.

OUVRARD (Julien-Gabriel), né près de Clisson, le 10 octobre 4770, mort à Londres en 1846. Haut et puissant munitionnaire et financier, il a été souvent comparé à Foucquet, dont il eut la splendeur et les mésaventures. Napoléon, jaloux d’un homme aussi opulent, et peut-être dangereux, trouva dans ses papiers quelques reçus de Joséphine ; la vie d’Ouvrard se passa dès lors dans une persécution souvent mesquine et tyrannique, malgré les immenses services rendus par lui pendant près de vingt-cinq années. Les caisses vides, le crédit arrêté, les armées compromises, il fît face à tout, mérita le nom de « Napoléon du crédit » et fut un des rares qui osèrent tenir tête au Napoléon de la guerre.

Fils d’un papetier, Ouvrard débuta, sorti tout jeune du collège, par accaparer tout le papier dont il y prévoyait et sentait toute l’importance à la veille de la Révolution ; bénéfice net, à dix-huit ans, 300000 francs. Gros négociant à Nantes, suspect par le seul fait de sa rapide fortune, le général Boivin le prit pour aide de camp ; vainqueur dans une escarmouche à la division de Kléber et de Merlin, il apporta des drapeaux à la Convention et fallit continuer sa carrière militaire ; le goût des affaires l’emporta. Vint le directoire ; il connut Bonaparte, chez Tallien, séduisit Barras, proposa des plans, fit mieux en trouvant les millions qui manquaient, notamment pour l’expédition d’Egypte, prêta 50000 fr. à Bernadotte pour son mariage, mais refusa ï% millions au premier consul, qui ne cessa de le tourmenter qu’à Waterloo. Pour rappeler seulement quelques-unes des gigantesques et hardies opérations d’Ouvrard, citons les subsides qu’il fournit à l’État depuis 4797 : l’expédition d’Egypte, la guerre d’Espagne et les dernières campagnes de l’empire ; plus tard, le milliard qui abrégea l’occupation étrangère ; la seconde expédition d’Espagne. Bans ce dernier pays, il eut une autorité et une force presque sans égales, ayant, dès 4806, rétabli, avec Çodoï, le prince de la Paix, les finances fort délabrées de la monarchie et, simple particulier, conclu directement avec Charles IV un traité qui lui livrait l’Amérique et le Mexique. Napoléon I er lui créa toutes sortes d’obstacles. Ces deux hommes se revirent en 4813, aux mauvais jours ; le banquier avait généreusement pardonné au despote qui l’avait sacrifié à sesmi^ nistres. Car il ne faut pas oublier qu’Ouvrard, plusieurs fois poursuivi comme concussionnaire, fut trois fois arrêté, une fois avec les honneurs de 400 grenadiers consulaires, enfermé à Sainte-Pélagie, presque mis au secret, et dut vendre alors partie de ses châteaux, fermes et forêts. Il en avait bon nombre, notamment le Raincy, où il disait en riant qu’il avait trois ministres d’État pour portiers 1 . Il attaqua fort le système du baron Louis, qui «battait monnaie sur le dos d’Ouvrard ». Il répéta bien des fois une phrase chez lui comme invariable : « Trois cent mille francs ? Non ! 400 millions, si vous voulez — Soixante millions ? non ! un milliard, dans huit jours ! » Il est mort assez tristement à Londres. Ce fut, — a dit de lui Lamartine, — « en affaires, un aventurier ; en finances, un homme de génie ».

« Mon plan de finances, dit-il presque au début de ses Mémoires, était basé sur la nécessité d’une dette publique considérable en France, limitée cependant au quart ou au tiers de son revenu. On a bien dit de l’Angleterre que plus elle devait, plus elle était riche ; paradoxe brillant, abus du principe qui admet l’utilité d’une dette publique sagement établie. Dans un État tel que la France, cette dette est un bien : c’est un emploi toujours ouvert pour les capitaux oisifs ou disponibles i. Talleyrand, Ûecrès et Berthier occupaient en effet les trois pavillons qui servaient comme d’açcçs au logis du niait ie.