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OCTROIS

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OCTROIS

si on le supprime ; 2° que les villes de garnison ont une ressource qui Tient grossir les ressources de l’octroi : la troupe payant les taxes à l’égal de l’habitant, cette ressource disparaîtrait le jour où on supprimerait l’octroi. En ce qui concerne la première objection, on s’exagère beaucoup l’influence que peut avoir au point de vue des octrois Taffluence des étrangers : dans les années d’exposition universelle, notamment en 1867 et 1878, les recettes de l’octroi de Paris ont été inférieures à celles des années suivantes. Quant aux auteurs de la seconde objection, ils oublient que les villes qui ont une garnison sont légalement frappées de la contribution dite « frais de casernement », qui fait rentrer dans les caisses de l’État une bonne partie des perceptions effectuées sur les objets introduits pour la consommation des troupes. On a dit encore que la suppression de l’octroi ne proliférait qu’aux intermédiaires et non aux consommateurs et l’on donne comme exemple que, lorsqu’en 1848 on supprima l’octroi sur la viande, celle-ci ne subit aucune diminution. Tout d’abord l’argument tiré du résultat de 848 est un fait indépendant de la suppression de l’octroi et vient tout simplement de ce qu’alors les bouchers qui formaient une corporation fermée purent, en s’entendant, maintenir leurs prix sans crainte de voir s’établir à côté d’eux un concurrent qui vendît meilleur marché : la vérité est que en Belgique, par exemple, la réduction des octrois fut suivie d’une réduction réelle sur le prix de la viande. En outre, il nous paraît évident que si la réduction de l’octroi profitait aux intéressés, elle profiterait également aux consommateurs et aux producteurs : la différence serait trop grande entre les deux prix, surtout dans les grands centres, pour que l’intermédiaire pût l’absorber. Enfin, une dernière objection est que la suppression de l’octroi tarirait les ressources des villes. Ceci est exactement vrai, mais on oublie qu’il ne s’agit pas seulement ici d’une suppression absolue, mais encore d’un remplacement : aussi a-t-on, à diverses époques, formulé différentes propositions pour remplacer les octrois.

En 1870, M. Deloynes a proposé en leurs lieu et place l’impôt sur le revenu. Plus tard, M. Paul Leroy-Beaulieu a indiqué pour les remplacer un accroissement de l’impôt foncier et de l’impôt sur les loyers. Dans un autre système, M. Paul Boiteau a proposé que l’Élat abandonnât aux communes sans distinction la perception complète de l’impôt des patentes. Puis, M. Alglave a formulé un autre mode de remplacement : l’établissement du monopole de l’alcool et l’application des centimes additionnels à cet impôt. Bans son projet déposé en 1880 à la Chambre, É. Menier a proposé l’impôt sur le capital, c’est-à-dire, selon- lui, sur les maisons, sur la propriété immobilière. Ce principe a été repris en 1890 par M. Yves Guyot, qui laisse cependant aux communes la liberté de remplacer les octrois par des taxes directes dont elles déterminent elles-mêmes l’espèce. Dans l’intervalle, M. César Duval, député de la Haute-Savoie et maire de Saint-Julien, a appliqué dans cette ville le principe de la suppression des octrois par l’abonnement avec les syndicats ; il réunit au commencement du printemps de 1885 tous les bouchers, les restaurateurs et débitants de boisson de la commune et leur expliqua que la loi du 4 mars 1884 leur permettait de se constituer en syndicats professionnels et de devenir ainsi des personnes civiles et sa voix fut écoutée : le maire n’eut plus alors devant lui que trois syndicats régulièrement constitués avec lesquels il pouvait valablement traiter au nom delà commune ; les trois syndicats s’engagèrent à payer les sommes strictement nécessaires aux besoins municipaux dont le chiffre fut arrêté à l’amiable, et la suppression de l’octroi suivit immédiatement cette convention. Mentionnons encore le système de M. Edouard Hervé, qui a proposé le remplacement des octrois par une surtaxe des alcools et une augmentation des droits de douane ; celui de M. Roullé, qui les remplace à son tour par un impôt sur la valeur locative ; enfin, celui de M. Adrien Renard qui met aux lieu et place des octrois des taxes municipales qui ne seraient payées que par ceux -qui ont un loyer suffisant et dont le minimum serait indiqué par l’État. Nous nous contentons de mentionner ces divers projets dont l’exposé et la critique nous entraîneraient trop loin. Observons néanmoins que, dans certains cas, les taxes directes par lesquelles on remplacerait l’octroi pourraient devenir très dangereuses. Une démocratie injuste en profiterait pour frapper uniquement les riches ; et si ces injustices se produisaient, elles entraîneraient l’émigration des industries dans des centres spéciaux et la constitution de centres industriels qui ne sont pas un bien sans mélange. . Législation étrangère en matière d’octroi. Nous allons examiner quels sont en matière d’octroi les systèmes adoptés dans les pays suivants : Belgique, Hollande, Allemagne, Espagne, Autriche, Danemark, Angleterre, Suisse et États-Unis.

En Belgique, l’octroi, avant 1860, était établi sur des bases analogues à celles du sys-