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NEWTON

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NOIROT

Nous n’avons pas ici àraconter la vie ou à exposer les admirables découvertes scientifiques de Newton. ïl n’appartient ànotre science que comme s’étant, pendant une certaine période de son existence, occupé de questions En 1689, Newton fut nommé membre de la Chambre des communes et il se lia d’une étroite amitié avec un de ses anciens élèves, Charles Montague, duc d’Halifax. Celui-ci devint en 1694 chancelier de l’Échiquier et il s’empressa de nommer son illustre maître d’abord contrôleur de la Monnaie, puis en 1699, directeur général de cette administration [master and worker of the mint ). C’est dans ces hautes fonctions que Newton dressa ses fameuses tables comparatives des monnaies anglaises et étrangères et qu’il composa son Rapport sur le monnayage dont nous donnons ici une courte analyse.

Ce Rapport qui a pris une importance nouvelle depuis que les bimétallistes ont cru y découvrir un argument en faveur de leur doctrine (V. Monnaie, page 317, note 2) avait été demandé à Newton dans les circonstances suivantes. Le gouvernement anglais venait d’entreprendre une refonte générale des monnaies d’argent. Or, les espèces neuves ainsi fabriquées étaient exportées en masse et remplacées par l’or qui s’importait en quantités correspondantes. Newton fut d’avis que si les pièces d’argent étaient exportées, c’est que le cours de l’or par rapport à ces pièces était tel que l’argent se trouvait en Angleterre notablement déprécié. La guinée d’or valait à ce moment, eu égard à son poids et à son titre, 20 shillings 6 pence ou 20 shillings 8 pence.

Par une fantaisie difficile à expliquer, le public prenait alors la guinée d’or pour 21 schillings 6 pence d’argent, en sorte que ce dernier métal déprécié en Angleterre émigrait à l’étranger, résultat conforme à la loi de Gresham. t

Newton proposa, comme le seul moyen qu on eût de retenir la monnaie d’argent, de fixer le cours de la guinée, par voie de proclamation royale, d’abord à 21 schillings, puis au boutde quelque temps à 20 schillings 6 pence, afin de ne pas troubler le public par une diminution subite trop considérable. Son avis fut adopté et une proclamation royale donna cours à la guinée pour 21 schillings ; mais on négligea de faire la réduction ultérieure et la mesure adoptée manqua complètement son effet. Jusque-là, les guinées étaient désignées par les ordonnances comme des pièces de 20 schillings et ce n’était que par une tolérance, inexplicable d’ailleurs, que le gouvernement les avait laissé circuler au cours de 21 schillings 6 pence et les avait acceptées à ce taux dans l’acquittement des impôts. La proclamation nouvelle [donnait aux guinées d’or une valeur de pleine libération pour 21 schillings alors que leur valeur réelle était inférieure de 6 pence à ce taux. La monnaie d’or étant ainsi légalement et non plus seulement en fait surévaluée, la bonne monnaie d’argent continua d’être exportée ; il ne resta en Angleterre que les pièces d’argent usées ou rognées et on dut, enl774, limiter le pouvoir libératoire de cette monnaie. La loi de 1816 consolida ces dispositions et c’est ainsi que l’or devint la seule monnaie légale et la monnaie étalon de l’Angleterre. Depuis cette époque, il n’a cessé de jouer’ ce rôle. Bibliographie.

Le Report by ïsaac Newton, on state of coinage (Londres, 1717) n’a pas été traduit ni publié en France. Mac Culloch a réimprimé ce Rapport dans ses Select tracts on money. Mais cet ouvrage même est rare. Il n’est que cité dans les encyclopédies anglaises, lesquelles ne donnent également du Rapport de Newton que des analyses sommaires. Plus récemment, Dana Horton a eu l’heureuse inspiration de le réimprimer à son tour dans V Appendice to tke American officiai report on the international monetary conférence of 1878, Sonate executive document, n» 38, 45 tli Cougress, 3’ session, Washington 1879. On trouve dans Michel Chevalier, la Monnaie, p. 144-147, une analyse de ce document. Stanley Jevss en a donné des extraits assez étendus dans uu article posthume inséré dans ses Investigations on currency and finance (Londres, 1884), p. 330 à 360. NOIROT (l’abbé), professeur de philosphïe au lycée de Lyon de 1827 à 1852, recteur de l’Académie de Lyon, inspecteur général de l’instruction publique, mort à Paris en 1881. Le nom de l’abbé Noirot appartient à la science économique parce que, le premier en France, il a eu l’idée de joindre au programme philosophique universitaire un cours facultatif d’économie politique et sociale. Pendant vingt-deux ans, ce cours a été suivi par l’élite de la jeunesse lyonnaise et il a laissé sur l’esprit de tous ses auditeurs une empreinte ineffaçable. Cousin se plaisait à appeler l’abbé Noirot « le premier professeur de France », et il ajoutait : «les autres m’envoient des livres ; celui-là m’envoie des hommes ». L’abbé Noirot n’a jamais rien écrit et les notes de ses élèves ne peuvent donner qu’an très faible aperça de ses doctrines, parce que le professeur procédait presque uniquement à la façon de Socrate, par des interrogations. Son système d’enseignement consistait à provoquer chez ses élèves des efforts intellectuels instantanés dont il faisait jaillir les lueurs les plus inattendues sous la pression d’une logique irrésistible. Il a donc été impossible même à ses meilleurs disciples de reproduire ces cours qui n’avaient rien de méthodique en apparence et qui