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l’ouvrier s’efforcerait-il de ne compter que sur lui-même alors que la loi lui offre les facilités de l’assistance par autrui ? Pourquoi serait-il vraiment prévoyant alors qu’on lui donne les moyens d’être imprévoyant et qu’on l’encourage même à l’être, l’administration n’approuvant que les sociétés constituées conformément àl’article 2 ? Au lieu de créer l’assurance ouvrière, c’est-à-dire l’assurance mutuelle des ouvriers par eux-mêmes ; on a créé une forme particutière de l’assistance par autrui ; car, sans les. membre honoraires, les sociétés de secours mutuels, telles qu’elles sont aujourd’hui organisées, ne pourraient pas vivre. » L’institution des membres honoraires a cependant des défenseurs : ceux-ci s’appuient sur l’intérêt social élevé qu’il y a au rapprochement des classes, sur les facilités apportées aux sociétés par le concours désintéressé d’hommes habitués aux affaires, sur la possibilité qui en résulte pour elles de se passer d’agents salariés, etc.

On reste perplexe et hésitant entre ces deux considérations que, d’une part, le caractère de l’institution est faussé par la présence de membres honoraires et que, d’autre part, le plus grand nombre des sociétés n’existeraient pas sans leurs cotisations ; que ces sociétés, cependant, rendent d’énormes services, répandent des notions, bien que très imparfaites, de prévoyance et peuvent être un acheminement à. la pratique d’une mutualité plus stricte et plus absolue.

Sans prétendre trancher ici ce débat, il faut reconnaître que la présence de membres honoraires dans les mutualités ne devrait, en aucun cas, en détruire le caractère scientifique ; que leur admission restant toujours facultative, leur intervention matérielle ne saurait être acceptée qu’à titre accessoire, et que le produit de leurs souscription et dons de toute nature devrait être appliqué tout entier au fonds de réserve, la contribution des membres participants devant toujours suffire à faire face à toutes les dépenses obligatoires dans les années normales.

° Objet — La diversité des milieux et des besoins qui y prennent naissance engendre la plus grande variété dans les objets que se proposent les sociétés de secours mutuels. Toutes pratiquent l’assurance en cas de maladie et fournissent au sociétaire malade les soins médicaux, les médicaments et, le plus souvent, une allocation quotidienne remplaçant le salaire.

Dans certaines sociétés de cultivateurs ou de vignerons, on trouve des secours en travail, sous forme de façons données à la terre ou rentrée des récoltes du sociétaire malade par ses cosociétaires.

L’assurance de rente ne serait presque pas moins générale si les sociétés de secours mutuels pouvaient toutes réaliser leurs aspirations. En effet, le plus vif attrait que la mutualité puisse offrir aux yeux de l’ouvrier sociétaire, est peut-être l’espoir d’une pension de retraite à VàgG où le travail devient impossible. Mais ce but n’est que très imparfaitement atteint par le plus grand nombre des sociétés. L’assurance d’une retraite n’est souvent qu’une promesse à la base de laquelle se retrouvent beaucoup plus de louables intentions que de calculs ; aucune proportionnalité n’existe entre la cotisation et la retraite . promise ou espérée ; l’illusion dure autant que les années de sociétariat dont l’accomplissement est requis pour donner droit à une pension ; mais, l’échéance venue, les sociétés reconnaissent que la tache est au-dessus de leurs forces. Dans la première moitié du siècle, nombre d’entre elles ont dû faillir à leurs engagements et se dissoudre au moment où elles allaient offrir la plus grande utilité à leurs adhérents. Aussi, la loi de 1850 avait-elle interdit toute promesse de pension. Celle de 1852 lève cette prohibition pour les sociétés ayant un nombre suffisant de membres honoraires ; enfin, l’institution par la loi du 18 juin 1850 d’une Caisse de retraites pour la vieillesse (V. État, Intervention en matière d’assurance) et la création par le décret du 26 avril 1856 d’un fonds spécial deretraite pour les sociétés approuvées, sans être considérées comme une solution définitive de la question, ont apporté aux sociétés de secours mutuels des facilités spéciales . pour y parvenir. Voici quel en est le mécanisme.

Les Sociétés versent chaque année à la Caisse des dépôts et consignations, à un compte spécial, une partie de leurs fonds disponibles en fin d’exercice : ces versements, augmentés de la subvention de l’État et capitalisés à 41/2 p. 100, constituent le fonds de retraite. C’est une sorte de caisse d’épargne d’où l’on retire, successivement et au fur et à mesure des besoins, l’argent nécessaire pour constituer des rentes à la Caisse des retraites, c’est-à-dire à la caisse d’assurance de rentes. Dès que l’âge statutaire et les conditions de sociétariat sont accomplis, l’assemblée générale délibère et fixe la quotité de la pension ; la somme déterminée par les tarifs légaux est versée à la Caisse des retraites pour la vieillesse. Les Sociétés ont la faculté d’aliéner ou de réserver la portion du fonds, de retraite fournie par elles* mais