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plan d’un établissement complet conçu dans des vues philanthropiques et comprenant un mont-de-piété ; mais cet établissement resta àl’état de projet. Aux états généraux de 1614, quelques députés réclamèrent bien l’établissement de monts-de-piété, et conformément à ce vœu, une ordonnance royale prescrivit en 1626 la création d’institutions de ce genre dans « chascune bonne ville des baillages et seneschaussées du royaume où besoing seroit », mais cet édit fut retiré Tannée suivante. On cite comme ayant été fondé le premier en France un mont-de-piété libre, àÀix, en 1635. En 164-3, on en revint à l’idée d’une création officielle, et en 1638 on fixa à 58, pour tout le royaume, le nombre de ces institutions, mais six villes seulement, notamment Montpellier, en 1684, et Marseille, en 1799, prirent soin d’en fonder. Pendant ce temps, les ordonnances se succédaient pour défendre l’usure et pour régulariser les formes du contrat de nantissement. Ce fut seulement par lettres patentes du 9 novembre 1777 qu’il fut permis aux administrateurs de l’hôpital général de Paris d’établir dans la capitale une administration de prêts sur gages à l’instar de celles qui existaient alors dans plusieurs villes de l’Europe, ce Les montsde-piété, est-il dit dans ces lettres, nous ont paru le moyen le plus capable de faire cesser les désordres que l’usure a introduits et qui n’ont concouru que trop fréquemment à entraîner la ruine de plusieurs familles. » Et, comme suite : « Il sera nécessairement établi dans notre bonne ville de Paris un mont-de-piété ou bureau général d’emprunt sur nantissement, tenu sous l’inspection et administration du lieutenant général de police, qui en sera le chef, et de quatre administrateurs de l’hôpital général, nommés par le bureau d’administration dudit hôpital général, et dont les fonctions seront charitables et entièrement gratuites. Permettons aux administrateurs d’établir aussi, s’ils le jugent nécessaire, dans notre bonne ville de Paris, sous la dénomination de prêt auxiliaire, différents bureaux particuliers dudit mont- de-piété ou caisses d’emprunt de sommes depuis 3 livres jusqu’à concurrence de 50 livres. Et lorsqu’il se trouvera des fonds en caisse au delà de ceux nécessaires pour la régie et les charges de l’établissement, ils seront appliqués au profit de l’hôpital général de notre bonne ville de Paris, etc. » Telle est l’origine des bonis annuels que le Mont-de-piété de Paris est tenu, aux termes de son règlement organique, de verser dans la caisse de l’Assistance publique.

Les lettres patentes données à Versailles par Louis XVI furent enregistrées au parlement le 12 du même mois. Dix jours plus tard, le 22 décembre, les quatre administrateurs désignés tinrent séance sous la présidence de M. Lenoir, lieutenant général de police. Les moyens d’exécution n’avaient pas été préparés ; on dut les improviser. Dès les premiers jours de janvier 1778, on prit à bail, au prix de 6400 livres, deux maisons contiguës situées rue des Blancs-Manteaux ; on emprunta sur billets à terme 558 200 livres, et on ouvrit les portes au public en même temps qu’on travaillait à l’installation des magasins et des bureaux. L’institution nouvelle répondait à des besoins pressants et douloureux. On accueillit comme un bienfait la création d’un établissement où Ton pouvait emprunter à 40 p. 100 par an avec sécurité pour les gages déposés. Des bureaux de commission furent installés à la porte des palais royaux et dans toutes les villes fréquentées par la cour. Le succès bien évident de l’institution avait fondé son crédit. Le Mont-de-piété de Paris, créé sans capital, obtint aux taux les plus favorables les fonds dont il avait besoin, à tel point qu’il put prêter au public, de 1778 à 1789, 196 millions par année.

Dans ces conditions, il réalisa des bénéfices inespérés. Indépendamment de la part des pauvres, qu’il livrait à l’hôpital général, il put acheter, avec ses propres ressources, non seulement les deux maisons de la rue des Blancs-Manteaux qu’il avait prises à bai], mais encore un grand hôtel avec jardin, adossé à l’établissement ayant façade sur la rue des Francs-Bourgeois (autrefois rue de Paradis). Sur ces emplacements, d’environ 3000 mètres, il éleva, sur les plans d’un habile architecte, des constructions appropriées au service. C’est ainsi que fut créé, même avant 1789, le vaste établissement central que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de chef-lieu.

La liberté du prêt sur gages, décrétée par l’Assemblée nationale, et le régime des assignats, inconciliable avec une exacte comptabilité, désorganisèrent peu à peu l’institution jusqu’à son anéantissement complet. Le Montde-piété de Paris dut fermer ses portes le I er ventôse an IV {19 février 1795). Les maisons de prêt auxquelles on donnait alors le nom de lombards, du nom des premiers usuriers qui prêtèrent sur gages, se multiplièrent encore avec une désolante rapidité. Dans le trouble où s’éteignait l’industrie, toute personne en possession de quelque argent essayait de le faire valoir avec plus de sécurité par la pratique du prêt sur gages, et comme ce genre de commerce pouvait s’exercer sans règle et sans contrôle, comme