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dra, une explication qui atténue singulièrement la prétendue obligation de l’Etat d’assurer à tous une existence convenable. Ramenée à ces termes et à cette portée, il est évident que la doctrine de Montesquieu sur le droit à l’assistance (voy. ce mot) ne peut servir d’antécédent aux doctrines (Y. État, Assurances) que nous voyons aujourd’hui se dresser devant nous, et qu’elle ne contredit pas, autant qu’on pourrait le croire au premier abord, les conclusions essentielles de l’école libérale sur le rôle et les attributions de l’État.

Il convient de remarquer que, même en ce qui concerne « les vieillards, les malades et les orphelins », Montesquieu se montre préoccupé du danger d’entretenir la paresse par l’assistance, et que, suivant lui (en. rxix) : « Un État bien policé donne aux uns les travaux dont ils sont capables ; il enseigne les autres à travailler, ce qui fait déjà un travail».

Il est juste de reconnaître, au surplus, que si Montesquieu n’est point le socialiste que certains croient trouver en lui, il est loin de pouvoir être classé parmi les libéraux décidés de la grande école de Quesnay et de Turgot. Ses vues sur la liberté du travail n’ont jamais été bien nettes. Il a éloquemment condamné l’esclavage 1 . Mais il ne paraît avoir songé à discuter ni le régime des corporations, ni la souveraineté royale considérée comme la source et le fondement du droit de travailler. En ceci, nous n’hésitons pas à le dire, l’œuvre économique de Montesquieu est inférieure à celle des physiocrates. Fernakd Faure.

MONTS-DE-PIÉTÉ.

SOMMAIRE

. Bêfinition.

. Historique,

. Caractère économique des monts-de-piêtê. . Les monts-de -piété en France. . Les monts-de-piètê à l’étranger. . Conclusion.

Bibliographie.

. Définition.

Les monts-de-piété sont-ils des établissements de bienfaisance ou des institutions de crédit usuraires ? Si Ton ne se référait qu’à l’origine du nom qui signifie banque de charité (monte di pietà), on devrait les ranger parmi les créations d’un caractère purement philanthropique et désintéressé. Dès le principe du reste, leurs prêts furent gratuits, et personne ne songea que leur qualification ne fût entièrement méritée : ils rendaient alors des services réels aux « petites gens » à une i . V. ch. xiv, xv et xvi de V Esprit des lois, et Blanqai, loc. cit., p. 154.

époque où le crédit naissait- à peine et où des prêteurs particuliers rançonnaient sans pitié les nécessiteux qui avaient recours à leurs offices. Aujourd’hui, depuis soixante ans, ces établissements réclament de leurs emprunteurs un intérêt dont le taux varie suivant les établissements (en 1891 : 5,50 p. 100 pour Beaucaire, 6 pour Nîmes, 6,50 pour Toulon, 4 pour Brignoles, 9 pour Nice et pour Paris ; i p. 100 pour les prêts de 3 à 5 francs restant en magasin pendant deux mois et 7 p. 100 pour les autres) ; ils jouissent, en outre, seuls et légalement d’un monopole spécial ; ils sont donc a priori des établissements privilégiés de crédit sur nantissement.

Le taux qu’ils réclament n’est cependant pas usuraire. Il faut considérer en effet que, pour fonctionner sur une échelle convenable, ces institutions qui n’ont généralement qu’une dotation insignifiante ou des subventions aléatoires, doivent commencer par se procurer des capitaux en les empruntant à intérêts, et que la possession d’un capital suffisant leur permet seule démettre à la disposition de leur clientèle un immeuble assez grand pour loger les nantissements, d’entretenir cet immeuble et les objets qu’il renferme, de faire enfin en argent un prêt garanti par leur valeur. Il faut donc qu’elles exigent de ceux qui s’adressent à elles d’abord un intérêt, puis un droit qui serve à couvrir les frais de garde et d’administration : l’un et l’autre représentent le taux exigé. De cette organisation il ressort, d’une part, que les monts -de-piété rendent des services aux malheureux dans les moments d’urgent besoin ; à ce titre, ce sont des établissements de charité ; mais que, d’autre part, ils reçoivent intégralement le prix des services qu’ils accordent et que pour eux l’élément de risque n’existe plus ; ils rentrent alors dans la catégorie des banques de prêts sur gages. On ne saurait même les considérer comme des banques populaires, puisqu’ils imposent à l’emprunteur la dure privation d’objets souvent indispensables. Les bénéfices — et c’est là ce qui distingue ces établissements des simples institutions de crédit privilégiés — sont, suivant les divers centres, ou capitalisés pour être joints aux dotations dans le but de diminuer le taux de l’intérêt du prêt, ou versés à la caisse des hospices, ou partagés avec ces derniers. Quelques rares établissements prêtent gratuitement et ne font pas de bénéfices.

. Historique.

Il faut remonter au moyen âge pour trouver en France le prêt sur gage réglementé. Celuici était pratiqué à cette époque par les juifs,