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, Impôts de répartition et de quotité. — Leur définition, — Leurs mérites réciproques. — Difficulté de transformer l’impôt sur la terre en impôt de quotité.

L’Instruction générale des finances, après avoir donné la définition citée plus haut des contributions directes et indirectes, aborde celle des impôts de répartition et de quotité : « Art. 2. — Les contributions directes se distinguent en impôts de répartition et en impôts de quotité.

« L’impôt de répartition est celui dont la somme totale fixée d’avance par la loi de finances, se répartit de degrés en degrés entre les départements, les arrondissements, les communes et les contribuables. « L’impôt de quotité est celui dont les taxes résultent de l’application à des éléments variables de tarifs ou de quotités déterminées et dont, par conséquent, les produits ne peuvent être évalués que d’une manière approximative au budget de l’État. » A cette formule un peu longue, on peut, sans autres commentaires, substituer la suivante :

« L’impôt de répartition est celui dont le montant total, déterminé d’avance et réparti ensuite de groupe en groupe jusqu’au contribuable, doit être intégralement recouvré. » L’impôt de quotité est celui dont l’autorité législative se borne à évaluer le produit, après en avoir déterminé les tarifs. » Ainsi, pour l’un, la loi détermine la somme totale à recouvrer, pour l’autre, elle se borne à déterminer les tarifs. Telle est la distinction fondamentale entre les deux formes de taxes.

Dans la pratique, il arrive que certains impôts de répartition contiennent un mélange de quotité. Par exemple, les constructions nouvelles, cotisées à l’impôt mobilier sur le pied uniforme de 5 p. 100, accroissent d’autant le contingent législatif. Ces rectifications de détail n’infirment en rien la valeur des définitions théoriques précédentes. Les mérites de l’impôt de répartition ont été très contestés depuis quelques années. On lui reproche d’abord de constituer un procédé barbare.

L’impôt de répartition est barbare, dit-on, parce que « c’est la forme par excellence de la contribution de guerre, de délie dont le vainqueur frappe le pays vaincu : c’est un procédé indigne d’un peuple civilisé, soucieux de ne faire supporter à chacun que la part qui lui incombe réellement dans l’ensemble des charges publiques ». (Rapport de M. Ballue sur l’assiette de l’impôt, 23 février d884.) M. Paul Leroy-Beaulieu considère de même l’impôt de répartition comme une

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sorte de rançon imposée au contribuable « Ce sont, dit-il , des taxes dignes d’un gouvernement rudimentaire, tel que la Turquie. »

Evidemment, les gouvernements rudimentaires dont il s’agit commettent, en effet, un acte barbare lorsqu’ils taxent arbitrairement, en bloc, chaque division de leur territoire, pour s’épargner les difficultés du recouvrement individuel. Mais tels ne furent pas les sentiments de l’Assemblée constituante de 1789, en organisant l’impôt de répartition. Elle voulut, au contraire, conformément à des principes raisonnes de droit constitutionnel, délimiter les pouvoirs de l’État et ceux des particuliers en matière de taxes. L’État devait se charger de fixer le chiffre total des recettes nécessaires à l’équilibre de ses dépenses, ainsi que la nature propre de chaque sorte d’impôt. Il appartenait ensuite aux contribuables eux-mêmes de répartir dans leur sein le montant de ces impôts, sans que le pouvoir central pût intervenir dans cette répartition. « Avec le système de la quotité, disait La Rochefoucauld, la fixation de la cote de chaque contribuable est un procès entre lui et le percepteur... Au contraire, la surveillance s’établit tout naturellement lorsque chacun est . intéressé à ce que son voisin paye ce qu’il doit payer. Votre comité a donc pensé à cet égard que la contribution doit être d’une somme déterminée. » (Rapport du 11 septembre 4790.) En conséquence, la Constitution de 1791 put insérer cette maxime libérale : « Tous les citoyens ont le droit de concourir à l’établissement des contributions. » La forme de la répartition servit à consacrer le nouveau droit des citovens, inscrit dans la Constitution et, loin de représenter une œuvre barbare, elle marque, au contraire, à ce point de vue, un progrès dans les idées de civilisation. On objecte, en second lieu, à l’encontre des impôts de répartition, qu’ils sont moins proportionnels et moins productifs que les impôts de .quotité : on ne saurait le contester.

La proportionnalité moins exacte de l’impôt de répartition découle de sa nature même. A peu près fixe dans son contingent, il assiste aux incessantes modifications de la matière imposable sans y prendre part. En tous cas, il ne s’y associe que de très loin ; Un écart immense ne tarde pas, dès lors, à se manifester entre les chiffres de l’impôt et ceux des revenus imposables. En vain des revisions périodiques s’efforeent-elles de le combler. Ces revisions étant toujours délicates, on recule, le plus longtemps pos-