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étalon d’or, et dans les prix exprimés en argent pour les pays à étalon d’argent. Ils se trompent, du moins à notre avis, quand ils considèrent le pair à 45 4/2 comme le centre de gravité nécessaire de ces oscillations, et quand ils accusent la suspension de la frappe de la baisse persistante de l’argent. La baisse de l’argent nous semble résulter de causes naturelles trop puissantes pour que la reprise de] a frappe puisse ramener l’argent au pair de 15 1/2 (V. Métaux précieux.) Les bimétallistes se trompent encore, et sans contestation possible, quand ils avancent que le double étalon, si favorable à la stabilité de la mesure des valeurs, n’est pas préjudiciable au pays dans lequel il fonctionne, quand ce pays est entouré de pays où fonctionne l’étalon unique d’or. M. Clément Juglar a démontré le contraire par des arguments auxquels il n’a jamais été répondu. Pour apprécier le dommage que cause aux pays à double étalon les modifications de leur stock métallique, il faut avant tout se rendre un compte exact des relations particulières qu’impose à chacun d’eux la liquidation de leurs opérations commerciales avec l’étranger. Si le pays avec lequel ils liquident ne dispose lui-même que d’une circulation dépréciée, ils n’auront pas à subir de perte : le contraire se produira si ce pays est en possession d’une circulation normale.

Pour préciser, prenons l’exemple de ïa France. Ses principales relations de change sont avec l’Angleterre, dont le système monétaire est basé sur l’or. Lorsque, par suite du jeu du double étalon, notre circulation métallique a été composée d’argent déprécié, le commerce français a subi des pertes, souvent considérables, sur le change. Lorsque notre circulation a été composée d’or, même déprécié, les pertes sur le change ont disparu, parce que nos moyens de compensation ont été évalués en or, exactement comme ceux des Anglais.

Ces faits apparaissent, avec une netteté saisissante, lorsqu’on étudie le cours de l’or et le cours des changes sur Londres avant 1850 et depuis cette époque.

Avant 1850, lorsque la circulation française se composait d’argent, la prime sur l’or variait de 10 à 12 p. 4000 ; rarement elle descendait à 7. p. 1000 ; en 1848, elle s’est élevée un moment à 70 p. 1000. Aussitôt que l’or a pénétré en France, la prime s’abaisse à 1 p. 1000. Bientôt l’or est au pair, parfois il subit une perte. Dans les moments de crise, la prime s’élève à 7,8 ou 9 p. 1000 au maximum. Ainsi, avant 1850, l’on ne pouvait avoir de For pour l’étranger en temps ordinaire qu’en payant 10 à 12 p. 4000 do prime. En temps de crise, la prime pouvait atteindre 17, 18, 19 p. 1000, sans parler du 70 p. 4000 de 1848. Depuis 1850, l’or est ordinairement au pair.

Quant aux cours du change, de 1820 à , ils sont presque constamment au dessus du pair et le plus souvent au-dessus du gold point. Au contraire, depuis 1850, les plus hauts cours n’ont pas dépassé le point de 25 fr. 40, soit 20 centimes au-dessus du pair, c’est-à-dire la somme nécessaire pour payer les frais de transport, la prime d’assurance, la perte d’intérêts qu’entraîne le déplacement de métal.

Les pertes que le commerce subissait avant 1850 ne résultaient pas seulement de l’élévation persistante des cours au-dessus du pair. Comme il arrive toujours lorsque circulation d’un pays est dépréciée, les cours du change étaient sujets à des variations subites et d’une grande amplitude. De 1832 à , les plus hauts cours ont varié de 25 fr. 95 à 25 fr. 50 ; les plus bas cours de 25 fr. 4r5 à 25 fr. 25, Les écarts des plus hauts cours aux plus bas cours variaient donc de 50 à 70 centimes. On voit quel aléa en résultait pour les opérations commerciales. Les bimétallistes semblent aujourd’hui convenir implicitement des inconvénients qu’entraînent l’exportation du métal le plus cher et son remplacement par le métal déprécié. Depuis plusieurs années, en effet, ils se sont attachés à préconiser un plan de pacte monétaire international 1 , ayant pour objet de maintenir un rapport fixe 2 entre la valeur de l’or et celle de l’argent sur le marché des métaux précieux en France, en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis. . La convention du 6 novembre 1885 réserve aux Etat3 signataires de l’Union latine la possibilité d’entrer dans une Union internationale de cette nature. %. Les bimétallistes essayent de placer cette combinaison sous le patronage du grand nom de Newton : ils opposent à la loi de Gresham ce qu’ils appellent la loi de Newton. {V. ce mot.) « Dès 1717, dit M. E. de Laveleye, Newton avait indiqué le remède qui obvie à l’alternance. Voici comment il l’avait formulé : « Si l’or était diminué de valeur chsz nous, de façon que ce métal eût le même rapport avec l’argent que dans le reste de l’Europe, il n’y aurait plus aucune tentation d’exporter de l’argent plutôt que de l’or vers les autres États de l’Europe ». (V. son Rapport du 17 septembre J717). (E. db Lavelbye, La monnaie et le bimétallisme international. Paris, 1891). Newton n’a nullement prétendu formuler une loi nouvelle, opposée à celle de Gresham. 11 constatait que l’argent était exporté de la Grande-Bretagne parce qu’il y avait cours pour une valeur moindre que sa valeur réelle. Le public exigeait 21 shillings 1/2 pour la guinée d’or, qui valait seulement 20 shilings 2/3, d’après le cours des deux métaux. Pour arrêter l’exportation de l’argent, Newton conseillait de fixer par proclamation royale la valeur de la guinée à 21 shillings d’abord, puis, à une date ultérieure, à 20 shillings 2/3. Il s’inspirait ries mêmes idées que sir Thomas Gresham en 1860 (V. ci-dessus).