Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/317

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mprime que ce ne soient plus ces espèces mais d’autres qui soient les signes représentatifs de la valeur des choses, les particuliers n’ont plus le droit de retenir ces espèces ; mais ils doivent les porter au roi, qui leur donnera à la place les nouvelles espèces qui doivent servir de signe de cette valeur 1 ». C’est l’apologie des exactions des rois faux monnayeurs et une préparation à tous excès du papier-monnaie.

Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que la doctrine de Pothier est consacrée par Part. 1895 du code civil 2 , rédigé parle même conseil d’État et voté parlemente Corps législatif qui ont rédigé et voté la loi du 17 germinal an XI 3 dont la disposition fondamentale porte queTunité monétaire française est constituée par un poids 4 de cinq grammes d’argent au titre de neuf dixièmes de fin. On voit qu’en dépit de l’art. 1895 du code civil, la législation monétaire de la France ne considère plus les espèces métalliques comme des signes, ni la monnaie de compte comme une valeur idéale susceptible d’être représentée par des quantités métalliques variables. La monnaie de compte est un poids fixe de métal fin. Légalement ce métal est l’argent. En fait, depuis 1850-185o, ce méLal est l’or. Au franc de la loi de l’an XI, constitué par 5 grammes d’argent à 900/1000, la pratique commerciale a substitué comme monnaie de compte un franc d’or qui est le 1/3444,44 du kilogramme d’or fin. Il résulte de cette substitution, dont les 1 causes seront indiquées plus loin (59), que la monnaie de compte ne correspond plus à une coupure monétaire réelle, puisque la plus petite pièce d’or, qui d’ailleurs ne circule pas, est une pièce de cinq francs. Toutefois on ne peut dire que la monnaie de compte ne coïncide pas avec la monnaie réelle, puisque le franc d’or est contenu, par définition même, un nombre exact de fois dans les espèces d’or.

La monnaie de compte peut être absolument différente de la monnaie réelle. Par exemple, dans nos possessions de l’Indo- . Traité du contrat de prêt de consomption, n° 37. . L’art. 1895 est considéré comme d’ordre public. V. Laurent, P ?Hncipes de droit civil français, t. XVII, n s 565(3* éd.) ; Aubry et Rau, Cours de droit civil français , § 31 S, t. IV, p. 150 (4° édit). Ces jurisconsultes émiuents n’ont pas pris garde que l’ordre public, en matière monétaire, n’est plus le même qu’au temps de Pothier.

. Le titre X du livre III du code civil, dans lequel se trouve l’art. 1895, a été décrété Je 18 ventôse an XII. . Dans le second Rapport fait par Bérenger, le 17 fructidor an X, au nom de la section des finances du conseil d’État, les principes suivants sont posés : « 1° Que l’utilité de la monnaie consiste dans la propriété qu’elle a de faciliter et de multiplier les échanges ; 2° Que ta monnaie est d’autant plus favorable à la multiplication des échanges que sa valeur est plut invariable ; 3° Que la valeur des monnaies est indépendante de la volonté du législateur... (Y. ce Rapport dans Michel Chevalier, De la baisse probable de l’or, pièces justificatives, pt ili-ni). Chine, il y a deux monnaies réelles pour les transactions de quelque importance : le nen ou pain d’argent de 10 onces annamites et la piastre. Le commerce compte généralement en piastres, mais la monnaie de compte admise par l’administration indigène est la ligature de 600 sapèques : de son côté, l’administration française compte en francs, dumoinspour un certainnombre de services. L’administration française promet de payer des francs et elle stipule qu’on lui payera des francs ; mais, comme il n’y a pas de francs dans la circulation, il faut bien qu’elle reçoive et qu’elle livre la monnaie réelle du pays : elle a donc consenti à recevoir la piastre et elle a obligé ses créanciers à la recevoir, en en faisant une monnaie légale. En même temps, elle a réglementé la conversion de la piastre en francs. Pendant de longues années, le taux de conversion a été immuablement fixé à 5 fr. 55. Ce taux était trop élevé, même en supposantquel’argentfûtaupair.En 1876, les progrès de la dépréciation de l’argent {V. Métaux précieux) firent modifier le taux de conversion : il fut fixé à 5 fr. 3o. Ce tarif aurait encore été trop élevé, même si l’argent eût été au pair de 15 1/2. Or, dès 1876, l’argent faisait, au contraire, une forte perte sur le pair. Un décret du S juillet 1881 introduisit un nouveau mode de tarification. Le taux de conversion dut être désormais fixé, à des intervalles réguliers, sur la base des cours du change. D’après le décret précité, le taux de conversion était fixé tous les trois mois. Un décret du 12 : décembre 1887 a prescrit de fixer, le 25 de chaque mois, le taux applicable pendant le mois suivant. Le tarif serre ainsi de plus près les variations du cours du change et de la cote de l’argent ; les écarts qui se produisent fatalement entre la valeur officielle de la piastre et sa valeur commerciale, écarts défavorables tantôt au Trésor, tantôt à ses créanciers ou à ses débiteurs, sontainsi réduits dans une forte mesure. Pour certaines opérations, notamment pour l’émission des mandats postaux, la conversion est même faite au cours du jour (V. les deux décrets de 1881 et 1887).

Le même système fonctionne dans les établissements français de l’Inde (V. décrets du 13 septembre 1884 et du 22 septembre 18 90), Une situation analogue a existé dans l’île de la Réunion jusqu’en 1879 1 . La monnaie de compte était le franc : maïs le franc ne se trouvait pas dans l’ile à l’état de monnaie réelle. Les monnaies en circulation étaient fort diverses ; on y trouvait jusqu’à des pièces de 20 kreutzers, démonétisées en Autriche . Albert Aubry, La réforme monétaire k l’île de la Réunion, Journal des Économistes, janvier 1SS1.