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conséquences de ses définitions. Aussi réserverons-nous, pour un chapitre spécial, l’étude des impôts assis sur la propriété et sur les consommations, afin de ne parler ici exclusivement que des impôts directs et indirects proprement dits, ce qui restreindra beaucoup l’ampleur du sujet.

Les mérites réciproques des taxes que nous envisageons spécialement peuvent se résumer dans les deux chefs suivants : ° La perception des impôts indirects est, en général, plus facile que celle des impôts directs ;

° Le produit des contributions directes est plus sur, mais il est moins progressif que celui des impôts indirects. La facilité de la perception des impôts indirects résulte de leur nature même. Ces impôts, en effet, uaissent à l’occasion d’une consommation ou d’un service, dont le consommateur doit payer le prix et en vue duquel il a spontanément préparé son argent. En même temps que le prix principal, il acquitte alors sans difficulté, à titre d’accessoire, la taxe fiscale confondue le plus souvent avec lui.

L’impôt indirect ne prend ainsi personne au dépourvu. Celui qui achète, hérite, plaide, voyage, émet des billets commerciaux, introduit des objets de l’étranger, chasse, fume, doit avoir son argent prêt pour ces différentes destinations.

À l’égard de l’impôt direct, au contraire, lorsque le rôle nominatif est publié, quand l’avertissement du percepteur parvient au contribuable, celui-ci peut très bien ne pas se trouver en fonds. Bien que la seconde maxime d’Adam Smith ait été observée, l’argent n’est pas toujours prêt. Chaque douzième de la contribution survenant mal à propos, comme le terme du loyer, risque de prendre le contribuable au dépourvu. En second lieu, l’impôt indirect dissimule, la plupart du temps, son chiffre en se confondant avec le prix de la marchandise. Beaucoup de ménagères ne se doutent pas qu’il existe une taxe de douane sur le café : très peu d’entre elles connaissent exactement le montant des droits sur le sucre, sur le sel, sur les bougies, etc. Elles payent l’épicier sans chercher à distinguer la part qui revient en propre à ce commerçant, et celle dont il doit tenir compte au Trésor *. Au contraire, le bordereau des contribu- . Il faut lire, dans les Origines de la France contemporaine, la description à la fois imagée et précise que M. Taitie fait des impôts directs et indirects. Ces pages montrent comment, sous la plume d’un éloquent interprète ; les finances peuvent prendre leur rang dans l’histoire. (Le Régime omderne, p. 272 et suîy.)

tîons directes énonce crûment au 6ontribuable, sans illusion possible, ni ménagement, le montant précis de sa dette. Les gouvernements éprouvent donc une préférence marquée pour l’impôt indirect qui cache mieux la main du fisc aux yeux du public.

Cette préférence s’accroît encore par suite d’une dernière supériorité, non moins précieuse, consistant dans une progression de rendement incessante. Atteignant, à chacune de leurs manifestations quotidiennes, les objets de consommation générale, l’impôt indirect peut suivre les développements de la richesse d’une manière intime. Accolé spontanément aux éléments mêmes de la fortune publique, il subit conjointement avec eux des oscillations constamment ascendantes. Aussi, depuis le début du siècle, le phénomène de la progression des produits indirects s’est-il manifesté d’une manière frappante, tandis que les revenus provenant des impôts directs ont marché beaucoup plus lentement.

Ceux-ci, en effet, lorsqu’ils sont de répartition, voient leurs produits nivelés d’avance par le maximum des contingents législatifs annuels, et, lorsqu’ils sont de quotité, bien que jouissant alors d’une allure plus rapide, ils s’attardent encore, par le fait de leurs rôles nominatifs revisés seulement à des intervalles périodiques, à suivre pede claudo les développement de la fortune publique. Cette situation est chiffrée dans les tableaux suivants :

Produits des impôts directs et indirects de 1830 à 18891.

Contributions directes. Impôts indirects.

249,723,000 574,572,000 
292,091,000 824,982,000 
269,561,000 810,310,000 

•1869 329,300,000 1,328,913,000

407,913,000 2,385,000.000 

Taux de la progression par rapport à la première année de chaque période.

r, .r,™ s 1&H.T ) Contributions directes 16,90 p. 100. De 1830 a 1847 > T *, . ,. . ,„ „,. A j Impots indirects 43, o9 —

t^ jo-o - icar. ) Contributions directes.... 23,20 — De 18»2 a 1869 1 T *. . ,. . ., „. ) Impots indirects 64,00 —

rv ioao mon ) Contributions directes 26,00 — De 1869 a 1889 T -, - ■- , ^ ft AA j Impots indirects /9,00 —

. Ces chiffres, par leurs seuls totaux, sont suffisamment instructifs. Cependant ils le deviendraient encore davantage si l’on avait pu dégager la partie de la progression résultant exclusivement de la marche spontanée de l’impôt, en dehors de toute modification de tarifs. Maïs aucun document ne permet de procéder à cette ventilation. En outre, il faut : remarquer subsidiairement que lesdits tableaux ne tiennent pas compte des augmentations et diminutions de territoire de la France et que, sous le nom de contributions directes, ils n’embrassent pas les taxes assimilées. Nous les donnons