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en possession après qu’une déchéance a été prononcée pour abandon de travaux, la concession n’a pas été renouvelée, les terrains compris dans son périmètre sont affranchis de toute servitude minière. Les autres pays d’Europe ont peu d’importance au point de vue minier. En Portugal, d’après les lois de 1870 et 1872, le concessionnaire obtient, d’après les termes mêmes du code, un « titre de propriété » et il le garde aussi longtemps qu’il peut remplir ses obligations. On peut dire que, pour le reste, c’est le régime des concessions perpétuelles qui prévaut, même en Turquie où le règlement de 1869 limite le droit des concessionnaires à 99 ans, mais leur accorde au bout de cette période un droit de préférence pour le renouvellement de leurs concessions : ce régime est notamment celui de la Bavière {loi du 20 mars 1869), de la Grèce (loi du 22 août 1861 modifiée en 1869 et 1877) et de la Suède (loi de 1855).

B. Comparaison entre la France et l’étranger. Dégageons de ces diverses législations les principes sur lesquels elles reposent. Tout d’abord, il faut faire une place à part au droit mimer anglais, si différent à tous égards du droit pratiqué partout ailleurs chez les nations européennes : son principe fondamental est l’union de la propriété du tréfonds et de celle de la surface sous les seules règles du droit commun.

En Prusse, la constitution de la propriété minière a pour effet de donner à l’intéressé le droit exclusif de retirer dans une région déterminée certaines substances minérales, dénommées au titre, se trouvant dans leur gisement naturel, et d’en disposer librement. Le propriétaire du sol n’a aucun droit sur ces substances ni avant ni après cette constitution. Cette législation a été faite, on peut le dire, en vue de provoquer les plus grands efforts possibles de l’initiative individuelle. Dans le système autrichien comme dans le système prussien, c’est la priorité de la demande qui crée le droit dès qu’a été établie l’existence d’un gisement naturel. Mais il y a entre les deux systèmes cette grande différence, qu’en Prusse il suffît d’établir l’existence d’un gisement naturel, tandis qu’en Autriche il faut justifier son exploitabilité à la satisfaction de l’autorité minière. Celui des explorateurs voisins qui arrive le premier à faire cette démonstration peut contraindre ses concurrents antérieurs à se limiter dans certaines mesures sur lesquelles ils conservent leurs droits et peut empiéter sur le restant du cercle de leur fouille libre comme s’il s’agissait d’un terrain franc, pour se faire attribuer le maximum de « mesures ». On peut dire de ce système qu’il laisse trop l’explorateur sous la tutelle, et le demandeur sous l’appréciation discrétionnaire de l’administration : l’un et l’autre sont incontesblement en Prusse beaucoup plus affranchis à cet égard.

En Espagne, le caractère principal de la législation est qu’on acquiert la propriété minérale par simple priorité de demande, sans limitation d’étendue et sans qu’il y ait lieu de faire constater l’existence d’un gîte concessible ou l’exécution d’un travail préalable déterminé. La propriété de la mine ne peut être retirée qu’à défaut du payement des redevances annuelles. De toute évidence, l’initiative individuelle est ici réellement mise à profit, et dans ce pays appauvri il ne manque pas de paysans qui, stimulés par la soif du gain, ont mis à jour des exploitations . prospères après avoir parcouru les montagnes de leur voisinage à la recherche des mines : un grand nombre d’exploitations prospères, notamment celles de Rio Tinto, Bilbao, Almaden et Tharsis, n’ont pas d’autre origine.

Quant au droit français, on ne peut mieux le définir que par l’institution de la propriété minérale au choix discrétionnaire du gouvernement et par le caractère de propriété de droit commun donné à l’exploitation d’une mine. Ce caractère a passé en s’accentuant encore dans quelques législations relativement secondaires comme celle de la Turquie, mais, en dehors de ces pays, ce n’est qu’en France qu’on trouve un pareil mode d’acquisition du droit d’exploiter les mines. La Belgique, qui l’a adopté, l’a modifié ultérieurement dans l’appréciation de manière à y mettre l’empreinte de son génie propre, . Conclusion.

Au point de vue de l’application des principes de propriété des mines que nous avons définis en commençant, on peut dire de la loi française qu’elle* n’est qu’une transaction entre des systèmes opposés, puisqu’elle édicté certaines règles qui sont des conséquences immédiates, les unes du principe de la domanialité, les autres du principe que les mines sont des res nullius, d’autres enfin du principe de l’accession. Ainsi c’est l’État qui concède les mines et qui en organise l’exploitation et la surveillance dans l’intérêt public : système de la domanialitô ; la mine concédée est une propriété « nouvelle » distincte de la surface et le concessionnaire reçoit un bien nouveau qui n’existait pas avant la concession : système de res nullius ; enfin les droits des propriétaires de la surface