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Telle est dans ses grandes lignes la loi de 1810. Comme on le voit, ce n’est qu’une transaction entre des avis opposés et, comme Ta dit avec beaucoup de finesse Michel Chevalier dans une réunion de la Société d’économie politique, a un simple coup de chapeau à l’article 552 du code civil ». On s’explique dès lors, puisqu’elle tient un peu de tous les systèmes, les divergences des économistes sur le point de savoir quel en a été le principe fondamental ; mais bien que la généralité des auteurs estiment que la question de propriété des mines n’a pas été nettement tranchée par la loi organique dont nous parlons, la plupart sont d’avis que Ton est parti de l’idée : « Les mines sont une dépendance de la surface ».

Du reste, la loi à peine promulguée encourut les plus vives critiques, et d’éminents économistes lui reprochèrent alors de sacrifier au bon vouloir administratif le principe du droit de propriété. J.-B. Say, entre autres, estimait que l’État avait la faculté d’exiger des mines des garanties de bonne exploitation et des mesures générale de sécurité, mais il lui déniait le droit de sacrifier les intérêts privés capables d’assurer, aussi bien en France que cela se faisait en Angleterre, l’exploitation régulière et féconde des gîtes. D’autres reprochèrent à la loi d’accorder aux compagnies des droits par trop exhorbitants.

A bien examiner la loi de 1810, on s’aperçoit que si le premier reproche a quelque raison d’être, le second n’est pas justifié et que les droits des exploitants ne sont pas aussi excessifs qu’ils le paraissent à première vue. Par l’acte de concession, en effet, on fixe la redevance que paye à la surface le propriétaire de la mine ; on rend au sol de cette façon la valeur que celui-ci est supposé avoir perdu et on distingue nettement la mine de l’immeuble qui le surmonte ; en un mot, on remplace la mine après concession par la redevance. De cette façon on encourage les recherches, on ne sacrifie pas à l’intérêt immédiat les espérances de l’avenir, on donne légalement à la mine le caractère de la propriété foncière. En outre, l’État n’est nullement désarmé en face du droit des compagnies minières ; non seulement le gouvernement conserve la surveillance des exploitations et la désobéissance à ses décrets est une contravention, mais encore il s’est réservé dans deux cas le droit redoutable de retirer cette concession : 1° lorsque la réunion de plusieurs mines en une seule main fait craindre un monopole dangereux pour les industries et les particuliers {décret du 23 octobre 1 852) ; 2° lorsque l’exploitation minière est restreinte ou simplement suspendue de façon à inquiéter la sécurité publique ou les besoins des consommateurs (loi de 1818). 11 est vrai de dire que depuis 1810 il n’y a jamais eu de retrait de concessions en raison de ces faits, mais que les abandons n’ont eu lieu que par la seule volonté des propriétaires de mines.

On a soulevé à ce propos la question de savoir si l’in exploitation par suite de grèves permettait à l’État d’user du droit que nous venons d’énoncer. Évidemment non. Pour que l’exploitation se poursuive, en effet, il faut deux facteurs nécessaires : le capital et le travail. Or, la loi n’a entendu bien certainement enlever une exploitation désormais inutile que si le capital se refuse à la tâche, elle n’a jamais eu en vue le cas où la maind’œuvre retire son concours et constitue pour le capital prêt à continuer et fidèle à l’entreprise une situation périlleuse qu’un retrait ne pourrait qu’aggraver.

Les divers gouvernements qui se sont succédé en France ont été loin de professer un respect superstitieux de l’œuvre de 1810 ; bien au contraire, la plupart d’entre eux ont travaillé soit à en combler les lacunes, soit à en corriger les défauts. Dès le 3 janvier 1813, un décret impérial déterminait les mesures à prendre pour les concessionnaires lorsque « la sûreté des exploitations ou des ouvriers » serait « compromise » : on reconnut au bout de trente ans qui ! y avait lieu d’amender ce décret sur divers points et l’ordonnance du 26 mars 1843 en remania les dispositions. Une instruction médicale avait été rédigée le 9 février 1813 en exécution du même décret et régulièrement approuvée par le ministre de l’intérieur : le gouvernement de la république comprit, en 1877, qu’il fallait mettre à profit, dans l’intérêt de l’exploitation et des ouvriers, les progrès de la science et parvint à les utiliser d’une façon toute spéciale. La loi de 1810, prévoyant le cas où l’exploitation serait soit suspendue soit restreinte, s’était bornée à prescrire l’envoi d’un Rapport au ministère de l’intérieur « pour y être pourvu ainsi qu’il appartiendrait » : une bonne loi du 27 avril 1838, après avoir réglé les obligations spéciales des concessionnaires au cas d’inondation, autorisa le gouvernement à prononcer, dans des circonstances déterminées que nous avons indiquées plus haut, le retrait des concessions. On interprétait de différentes manières un article de l’ancienne loi portant que « plusieurs concessions pourraient être réunies entre les mains du même concessionnaire » ; c’est alors qu’est intervenu le décret du 23 octobre 1852, que nous citions tout à l’heure, pour pro-