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n’avoir protesté que contre le système qui déclare l’inventeur propriétaire de tout ou partie d’une mine. Faisant allusion à l’autorisation accordée de son temps par les lois du Pérou et par les lois spéciales du duché de Gornouailles en Angleterre, à celui qui découvrirait une mine, d’occuper dans la direction présumée de la veine un espace déterminé en longueur et en largeur sans se préoccuper des droits du propriétaire, il estime que dans les deux pays « on a sacrifié les droits sacrés de la propriété privée à l’intérêt prétendu du revenu public ». Il a aussi apprécié la question de la qualité des redevances dans le système de la domanialité et il estime qu’elles ne doivent pas dépasser un certain taux ; il fait remarquer entre autres que les redevances payées autrefois au roi d’Espagne par les mines du Mexique et du Pérou avaient pour résultat de rendre très onéreuse et même ruineuse pour les concessionnaires l’exploitation de ces mines. Mais deux économistes surtout ont longuement discuté, à des points de vue différents, la question de propriété des mines : Turgot d’abord qui, témoin des scandales qu’entraînaient de son temps les concessions de mines, fut amené à traiter, dans un Mémoire étendu, des règles qui, selon lui, devaient servir de base à une bonne législation sur la matière ; Mirabeau ensuite, que sa haute situation à l’Assemblée constituante amena à discuter la question des mines lorsque celle-ci vint en discussion devant elle, et qui combattit éloquemment ce droit en demandant que les mines fussent à la disposition de la nation. L’intervention de Mirabeau nous valut la législation de 1791, et nous verrons que lorsque celle-ci fut de nouveau discutée pour faire place à la loi de 1810 qui nous régit actuellement, un autre économiste, J.-B. Say, combattit cette dernière qu’il accusa de ne pas assez préciser l’intervention de l’État. Nous allons, en attendant, indiquer sur quelles bases étaient fondées les théories de Turgot et de Mirabeau.

Contrairement à l’avis d’Adam Smith, Turgot se montre d’une façon absolue partisan du droit de l’inventeur et nie successivement : 1° le droit du propriétaire delà sur face, 2° le droit du souverain. En ce qui concerne le premier, « il ne peut y avoir, dit-il, de propriété sans le pouvoir d’en conserver l’usage a l’exclusion de tout autre. Ce pouvoir de conserver ne peut venir que de la force ou des précautions du propriétaire lui-même ou bien de la garantie de la loi. Le propriétaire de la surface n’a par lui-même aucun pouvoir de conserver la possession exclusive des matières souterraines. Quant â la garantie légale que la société accorde en conséquence de l’occupation du terrain par la culture, elle ne s’étend pas sur les matières souterraines : 1° parce que l’occupation ne s’y est point étendue elle-même ; 2° parce que la raison d’équité et d’intérêt commun qui a fait garantir aux premiers cultivateurs le fruit de leurs travaux n’a aucune application aux matières souterraines, qui ne sont ni l’objet de la culture ni le produit du travail ; 3° parce que le propriétaire ne reçoit ni trouble ni dommage de la recherche de ces matières lorsque les ouvertures ne sont pas dans son héritage ; 4° parce que, dans les temps voisins de l’origine des propriétés foncières, la société manquait elle-même de moyens pour faire exécuter cette garantie légale de la possession des matières souterraines ». Relativement au droit du souverain, voici comme il s’exprime : « Les matières souterraines n’appartiennent à personne jusqu’à ce que le terrain soit fouillé. Celui qui entreprend de les extraire s’en empare au titre de son travail, comme premier occupant, et le propriétaire du sol qui fouille dans son terrain n’a pas d’autre droit. On a voulu en conclure que ces matières appartiennent à l’État et font partie du domaine du souverain, de même que les terres vaines et vagues ; mais il y a deux différences considérables. La première consiste en ce que, pour s’approprier les terres vaines et vagues, il a suffi que le souverain en ait eu la volonté, au lieu qu’il ne peut parvenir aux matières souterraines sans passer par la surperficie, et qu’il ne peut le faire sans donner atteinte au droit de propriété. Une seconde différence consiste en ce que personne n’a aucune espèce de droit à réclamer sur les terres vaines et vagues ; mais quoique le propriétaire du sol n’ait pas un droit exclusif sur les matières souterraines, on ne peut nier que le droit d’ouvrir la terre dans son champ et de s’approprier par la voie de l’occupation les matières qu’il y trouve ne soit un accessoire de son droit de propriété. Cette faculté n’exclut pas la concurrence de celui qui pourrait le prévenir dans cette espèce d’occupation sans entrer dans son champ ; maïs elle est incompatible avec la propriété absolue du prince, puisque celle-ci priverait le propriétaire du sol d’une liberté qui fait partie de sa propriété primitive ». Ainsi donc, d’après Turgot, la propriété des matières souterraines appartient au premier occupant, et ni le propriétaire de la surface, ni l’État n’y ont aucun droit. Il en conclut que chacun peut ouvrir la terre dans son champ, et pousser des galeries sous le terrain d’autrui pourvu qu’il prenne les pré-