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Enfin, il prononça un important discours dans une discussion budgétaire, pour démontrer la nécessité de rembourser la dette nationale avant l’épuisement des mines de charbon. Il fut battu aux élections de 1868 par M. W.-H. Smith devenu, depuis, l’un des leaders de la majorité conservatrice actuelle de la Chambre des communes.

Stuart Mill se retira à Avignon en 1869 et y appliqua ses dernières méditations à la question agraire et au socialisme. Il revint très rarement à Londres. On l’y vit en 1871, aux obsèques de Grote, l’ami de son père et le sien. Il fut assez souvent malade, à Avignon, durant les deux années qui suivirent. Une épidémie locale l’emporta le 8 mai 1873. H. SES DOCTRINES.

S. Doctrines sur la science sociale et ses différentes branches.

Une grave erreur est très généralement commise par ceux qui prétendent juger le rôle et marquer la place de Stuart Mill dans l’histoire de l’économie politique. Cette erreur, qui en entraîne à sa suite une foule d’autres, consiste à penser que l’on trouve toute la doctrine économique de Stuart Mill dans les Principes tf économie politique. Ceux qui rattachent les Essais sur quelques questions non résolues et la Liberté au grand ouvrage publié en 1848, échappent très insuffisamment à Terreur que nous signalons. C’est, en effet, dans le VI e livre du Système de logique, intitulé De la logique des sciences morales i ) qu’il faut aller chercher et que se rencontrent à peu près exclusivement les idées maîtresses qui dominent l’économie politique de Stuart Mill, qui Téclairent et l’expliquent .pleinement, qui permettent de lui assigner sa vraie valeur. Il nous suffira d’exposer brièvement quelques-unes de ces idées, pour établir l’exactitude rigoureuse de notre affirmation.

Nous noterons d’abord la double démonstration faite par Stuart Mill : 1° que les actions de l’homme individuel sont, comme tous les autres événements naturels, soumises à des lois invariables et qu’on y trouve « cette constance de causation qui est le fondement de toute théorie scientifique des phénomènes successifs 3 » ; 2° que les actions des masses collectives du genre humain et les divers phénomènes qui constituent la vie sociale sont également régis par des lois fixes et peuvent être, par conséquent, l’objet d’une science, au même sens que les phénomènes . Système de logique, traduction de L. Peisse, t. II, p. 414-571.

1. Ibid-, p. 417 et suiv.

MILL (Stuart)

du monde extérieur 1 . — On trouvera quelques-unes des meilleures pages que Mill ait écrites sur ce sujet, dans le chapitre intitulé De la Liberté et de la Nécessité (p. 418 et suiv). Les actes de l’homme individuel seraient, d’après lui, l’objet de deux sciences, la psychologie, science des lois de l’esprit, et l’éthologie, science de la formation du caractère. Quant aux actes de l’homme en société, Stuart Mill reconnaît : d° une science générale ayant pour objet les phénomènes sociaux les plus importants dont l’existence simultanée constitue ce qu’il appelle l’état de Société (p. 509} ; c’est 4a science sociale qui, dit-il, « par un barbarisme commode a été appelée la sociologie » (p. 488) ; 2° des sciences particulières, « branches distinctes et séparées, quoique non indépendantes de la théorie sociologique ». Ces sciences auraient pour objet des classes différentes de faits qu’il est « non seulement avantageux mais nécessaire d’étudier à part », malgré le consensus universel des phénomènes sociaux (p. 495). Telles seraient, par exemple, l’économie politique, science de la richesse, et l’éthologie politique, science du caractère propre à une nation ou à une époque (p. 496-503).

Entre ces diverses sciences, Stuart Mill établit les rapports suivants. D’une part, la psychologie et l’éthologie précéderaient les sciences sociales et leur serviraient de fondement (p. 504). D’autre part, les diverses branches de la sociologie — sciences hypothétiques et abstraites, puisqu’elles considèrent comme isolés des phénomènes qui ne le sont pas, en réalité, — seraient nécessairement des sciences subordonnées ; leurs conclusions seraient conditionnelles et soumises au contrôle supérieur des lois de la science générale (p. 501 et 503). Il n’y a pas grand mérite, aujourd’hui, à admettre l’existence, au sens rigoureux du mot, des sciences de l’homme et de la société. S’y refuser serait nier l’un des résultats qui se dégagentle plus invinciblement des progrès accumulés dans toutes les directions de la recherche scientifique, à savoir : que tous les phénomènes du monde, sans exception, sont reliés les uns aux autres et soumis à des lois. Mais il en était autrement vers 1840, à l’époque où Stuart Mill composait le sixième livre de son Système de logique. C’est à Auguste Comte, sans doute, que revient l’honneur d’avoir, le premier, affirmé et défini d’une façon systématique la science sociale. Mais il revient à Stuart Mill l’honneur très grand encore d’avoir adopté les idées de â. Système de logique^ loc. fi#., p. 463 et suiv.