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vation personnelle directe ; il sait lire l’histoire et trace avec un esprit plus sûr que celui des physiocrates la théorie du progrès dans un discours en Sorhonne ; il est un maître en analyse rationnelle. Enfin, Adam Smith, J.-B. Say et leurs successeurs apportent à la science le contingent de leurs recherches, sans qu’il soit possible de déterminer une méthode ou un procédé exclusif chez chacun d’eux.

A part peut-être les partisans de la méthode historique, on n’assigne point à la science économique un procédé particulier de recherches. J.-St. Mill a, dans son Système de logique, analysé toutes les méthodes proposées. On a mis, d’abord en avant, la méthode géométrique ; puis, comme elle n’était pas suffisante, on a conseillé l’emploi de la méthode historique. Ce dernier procédé semble incomplet à J.-St. Mill, qui recommande la méthode suivie dans les sciences physiques. Enfin, différents auteurs ont affirmé dernièrement que la méthode dite bio-Logique convenait seule à l’économie politique. On le voit, chaque nouvelle méthode proposée semble plus large que les précédentes ; et il apparaît clairement que, les sciences biologiques comportant l’ensemble de tous les procédés de recherche, la méthode en économie politique est tout simplement la méthode scientifique sans épithète, celle que nous avons essayé de définir au début, et qui est : l’ensemble de tous les moyens ou procédés que l’homme emploie pour arriver à la découverte et à la démonstration des vérités scientifiques.

. Conclusion.

Nous n’avons pas, dans ce long exposé, forcément incomplet néanmoins, la prétention d’indiquer la manière de se servir de tel ou tel procédé de méthode. Notre but — nous l’avons indiqué dès le commencement ■ — ■ a été plus modeste : nous avons tenté d’analyser et de critiquer les divers moyens qu’emploie l’homme soit dans la recherche des vérités économiques, soit dans leur démonstration. C’est fort justement que l’on a comparé la méthode considérée comme instrument de recherche à un échafaudage élevé pour construire un édifice. La forme de l’échafaudage dépend de l’idée que se fait l’investigateur de la forme de l’édifice qu’il veut construire. Il est donc impossible d’assigner une forme exclusive, finie et déterminée à cet auxiliaire, étroitement lié avec l’objet lui-même de la recherche, et qui se modifie dans une même science suivant la nature du problème posé. Tous les procédés de méthode étant applicables à l’économie politique, sauf les ré serves relatives aux cas généraux d’expérimentation, nous dirons avec M. Courcelle-Seneuil : « En économie politique, la méthode est inductive, parce que, pour établir les cadres idéaux qui permettent d’examiner les phénomènes successivement et isolément, il faut employer l’induction. Elle est déductive, parce qu’elle tire les conséquences immédiates de l’examen auquel on se livre, sans échafauder des déductions l’une sur l’autre, comme les mathématiques, mais en appliquant une multitude de cas identiques ; elle n’est pas expérimentale, en ce sens que l’économiste ne peut faire des expériences à volonté, mais elle est expérimentale en ce sens qu’elle ne perd jamais de vue l’observation des faits concrets et qu’elle profite des expériences que le courant de la vie sociale amène devant l’observateur Elle est aualytique, bien qu’elle ne puisse faire aucune analyse matérielle, comme celle du chimiste, parce qu’elle se sert très largement de l’analyse rationnelle ; elle est synthétique, parce que, après avoir étudié le détail des phénomènes, ceux de l’échange, par exemple, l’économiste les rapproche et les reconstitue en quelque sorte dans leur ensemble ; elle est historique, parce qu’elle porte l’observation des phénomènes économiques dans le passé, en se servant de l’histoire en même temps que dans le présent ». (Préparation à V étude du droit, p. 365.)

Dans ces conditions, l’investigateur seul est donc capable, suivant l’état de ses connaissances et le but qu’il se propose, de choisir entre ces divers procédés celui ou ceux qu’il considère comme les plus féconds en résultats pour lui, sans toutefois s’interdire l’emploi des autres. En définitive, il combinera, dans des proportions variables appropriées à la nature de son esprit et au problème posé, ces deux éléments inséparables de l’entendement humain : l’observation et le raisonnement.

Envisagée comme instrument de démonstration, la méthode dans les sciences en général offre peu de difficultés. La plupart du temps, le savant raconte sa découverte en débarrassant son exposé des manœuvres fausses et des tâtonnements longs et inutiles qu’il a faits, puis il rattache cette découverte , s’il y a lieu, à une théorie générale. Dans les sciences exactes, les obstacles ne résident pas dans la méthode elle-même de démonstration — la plus simple peut-être de toutes — mais dans la difficulté pour l’auditeur ou l’étudiant d’appliquer son esprit à une attention soutenue. En économie politique, les obstacles viennent et des procédés de démonstration, et de l’état d’esprit de ceux qui cherchent à comprendre ces démonstrations.