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La méhode suit la science et se développe comme elle ; elle en est en quelque sorte la fonction mathématique. Une découverte apporte de nouveaux éléments qui permettent d’étendre l’investigation et de se servir de moyens de recherche de plus en plus variés. Les sciences où l’observation a une part relativement restreinte ont, les premières, fait tout d’abord d’assez grands progrès. Les autres, au contraire, ne se sont développées qu’au fur et à mesure des inventions et des découvertes qui permettaient de faire quelques pas en avant. L’astronomie n’est sortie de l’étroit domaine dans lequel elle était enfermée qu’à partir du moment où les instruments d’optique ont été perfectionnés, et l’analyse mathématique est née le jour où des phénomènes, nouvellement mis à la portée des observateurs ont nécessité son emploi. Or, la science sociale et l’économie politique, qui est une de ses branches, sont des sciences où l’observation des phénomènes joue un rôle important et difficile. Il faut donc d’abord à l’observateur une période historique assez longue derrière lui, un milieu scientifique élargi, une éducation générale élevée pour commencer à comprendre les phénomènes économiques. On a placé, dans certaines classifications des sciences, la science sociale la dernière, comme devant être étudiée à la suite de toutes les autres. Elle est, en effet, la résultante de toutes les sciences en général, la forme nouvelle, utilitaire et précise de la philosophie, en ce qu’elle recherche les conditions les meilleures pour l’activité de l’homme dans la société. L’économie politique se trouve ainsi, dans son développement, solidaire de toutes les sciences, intimement liée avec elles. Aussi sa méthode se développe-t-elle à mesure que les phénomènes plus visibles, plus appréciables apparaissent à l’esprit de l’homme sous leur véritable jour. Le procédé de recherche amène la découverte, et la découverte apporte avec elle une amélioration du procédé de recherche. L’extension des échanges est un phénomène qui devait forcément frapper les observateurs réfléchis. Cette extension des échanges est venue à travers les siècles, malgré tous les obstacles, servie même quelquefois indirectement par ces obstacles, produit complexe des guerres, des progrès de la pensée, des découvertes de toutes les sciences. C’est cette persistance d’une forme libre, non imposé , de l’appropriation des richesses qui a permis aux esprits éclairés de reconnaître que cette persistance dérivait de la tendance qu’a l’homme d’obéir à la loi de l’économie des forces, de chercher à obtenir, avec ce qu’il croit être le moins de travail, ce qu’il considère comme le plus avantageux pour lui. Mais cette observation ne pouvait être faite avec fruit dans l’espace et dans le temps, que par un esprit ayant déjà une suffisante connaissance de l’homme, pour savoir que cet homme par sa nature même obéit à cette loi. La méthode se trouve donc agrandie par suite du phénomène de plus en plus saillant de l’extension des échanges. L’observation historique vient, dans ce cas, vérifier l’observation directe de l’homme et les résultats de l’analyse rationnelle.

On ne peut donc reprocher aux premiers observateurs d’avoir manqué de méthode ou mal choisi celle dont ils se servaient. Ils usaient des moyens que l’état des connaissances à l’époque où ils vivaient mettaient à leur disposition. Àristote et Platon ne pouvaient guère avoir une idée plus exacte du système social que Ptolémée du système solaire. La méthode historique préconisée et employée au commencement du xviii siècle par Vico, l’auteur de la Sciencia Nuova, ne conduisit pas, il est vrai, le célèbre écrivain à la vérité scientifique ; elle l’amena à faire une hypothèse qui n’est nullement vérifiée. Mais, le premier, Vico soumit l’histoire à une analyse rationnelle et apporta ainsi un instrument nouveau à la science. Il considérait les phénomènes de la société humaine comme évoluant sur une orbite et passant ainsi périodiquement par une même série de changements. Quelques années plus tard les physioorates (voy. ce mot), en possession de connaissances plus générales et plus philosophiques, c’est-à-dire d’une méthode plus puissants, brisaientrorbite de Vico et en faisaient d’un seul coup une trajectoire étendue, créant un idéal : la liberté économique. Mais l’enthousiasme scientifique du xvm e siècle entraîna trop rapidement les meilleurs esprits vers les hypothèseshasardées, vers les hautes et magiques conceptions. De même que d’Alembert et ses amis dans les sciences mathématiques et astronomiques, les premiers physiocrates se livrèrent dans la science sociale à des généralisations trop hâtives. Les successeurs des uns et des autres ont donc, par la force des choses, travaillé à l’analyse et à la vérification des travaux de leurs devanciers. Dans la période de méditation qui suivit la période des grandes théories, les économistes patients et laborieux employèrent généralement, dans des proportions différentes suivant leur milieu, leurs études antérieures, tous les procédés de méthode. Turgot fait de façon très pénétrante de l’obser-