Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

dont il constatait déjà l’action, ont contrebalancé ou au contraire renforcé les effets de l’abondance du métal étalon, au point de remplacer, pour certains articles, la hausse par la baisse des prix et de produire, pour d’autres articles, une hausse plus forte encore. Ainsi, M. Levasseur constatait que les produits naturels avaient enchéri de 60 p. 100 et les produits manufacturés de 14 p. 100. Quinze ans plus tard, en 1873, M. de Foville l , après de laborieuses et savantes recherches , estimait que, depuis une cinquantaine d’années, il était survenu, d’un côté, des hausses de 90 p. 100 pour les aliments d’origine animale, de 30 p. 100 pour les aliments végétaux, de 45 p. 100 pour les boissons indigènes ; de l’autre, des baisses de 35 p. 100 sur les produits minéraux, de 50 p. 100 sur les tissus, de 45 p. 100 sur les produits chimiques, vitrifications et papiers. On voit que les produits manufacturés, à l’égard desquels M. Levasseur relevait une hausse moindre qu’en ce qui concerne les produits naturels, avaient décidément baissé de prix par la suite. Au contraire, la hausse constatée en 1858 sur les produits naturels s’était encore accrue. L’effet de la baisse de l’or a été, dans le premier cas, atténué ; dans le second cas, accentué par d’autres causes, dont M. de Foville 2 a mis en pleine lumière l’action singulièrement énergique. La hausse des produits naturels était le résultat de la diminution survenue dans le prix des transports depuis la construction des chemins de fer. Les débouchés s’étaient ouverts beaucoup plus vite que la production n’augmentait. La demande avait dépassé l’offre. La réduction des distances avait profité au producteur. La baisse des produits manufacturés tient également à la diminution des frais de transport et aussi à la diminution des frais de production, par suite de l’introduction des moteurs mécaniques dans l’industrie. La production industrielle s’est accrue plus rapidement encore que les débouchés ne s’ouvraient, parce que cette production peut être presque indéfiniment augmentée. L’offre a dépassé la demande. Le bénéfice de la révolution économique du milieu de ce siècle a été ici pour le consommateur.

L’affaiblissement du pouvoir d’achat de la monnaie pendant cette période n’en est pas moins certain. JVL de Foville Ta évalué à 25 p. 100 de 1820-1825 à 1870-1875. On remarquera que, dans cette période, . Articles publiés par l’Économiste français et détachés d’un Mémoire couronné par l’Institut. Voir aussi son ouvrage : De la transformation des moyens de transport et de ses conséquentes économiques, Guillaumin, in-8° t . Op. cit.

les quantités produites ont presque triplé par rapport à la période 1493 à 1825. Elles se montaient en 1825 à 3 926510 kilogrammes et en 1875 à 9 523 695 kilogrammes. La baisse de l’or n’aurait été cependant que du quart.

On en peut donner plusieurs raisons. La principale est que les conditions de la demande se sont modifiées en même temps que celles de l’offre. La période 1825-1875 a vu la création et le développement des chemins de fer et de la navigation à vapeur, la transformation des moyens de production, l’invention du télégraphe électrique, l’abaissement des tarifs de douane. Sous l’influence de ces causes multiples, les échanges ont pris une extension jusqu’alors sans exemple. Une plus grande quantité d’or a été nécessaire pour satisfaire aux besoins de la circulation. La demande de ce métal a donc augmenté en même temps que sa production. Cet accroissement de la demande a agi en sens contraire de l’augmentation de l’offre et modéré la baisse.

Une cause secondaire peut être signalée. La France, grâce au régime du double étalon, a offert à l’or un vaste marché. Comme on le verra au mot Monnaie (§ Étalon), elle a exporté ses écus et les a remplacés dans la circulation par des pièces d’or. Elle vendait l’argent qui était en hausse et achetait l’or qui était en baisse. Cette double opération a dû contribuer à maintenir le cours de l’or. Comme l’a dit Michel Chevalier, l’argent a servi de parachute à l’or.

. Question de l’appréciation de Vor depuis 1874. — Les douze ou quinze années qui ont suivi l’année 1874 ont été presque uniformément marquées par une baisse générale des prix. Une légère reprise peut être signalée de la fin de 1879 au commencement de 1882. Depuis lors jusqu’en 1888, les prix dans leur ensemble ont baissé. Un travail paru en 1885 dans le Bulletin de statistique d,u ministère des finances relevait une baisse de 9,6 p. 100 dans la valeur des exportations françaises de 1884 par rapport aux valeurs de i 874. De 1885 à 1888, la baisse avait encore augmenté. On a soutenu que cette baisse des prix était due à un renchérissement, ou, comme on disait en Angleterre, à une appréciation de l’or. L’idée avait été émise dès 1879 par M. Robert Giffen 1 . Elle fut développée par l’éminent statisticien 2 en 1885. Les bimétallistes l’ont adoptée avec empressement 5 . L’argumentation qui lui sert i. V. Bulletin de statistique du ministère des finances, juin 1879, p. 379.

. Contemporary Jïeview, juin 1.885. . V. notainrnent AH^j op. eiU Cernuschi, Discours (