Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/235

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il fait déserter les marchés et accroît la disette en mettant obstacle au commerce, l’expérience qu’a faite, cinq siècles plus tard, la Convention nationale est plus concluante encore.

L’Assemblée constituante était déjà entrée dans la voie de la réglementation et avait cru remédier à la cherté des subsistances par l’établissement, provisoire d’ailleurs, de la taxe du pain et de la viande de boucherie. C’était un premier pas dans la voie du maximum et de l’arbitraire. Mais bientôt la surabondance des assignats menaça d’un renchérissement sans limites. La crise économique sévit avec plus de force. C’est dans ces circonstances que la Convention, assiégée de pétitions sur les subsistances, songea à décréter, au nom du salut public, la mesure révolutionnaire dumaximum. Le 16 avril 1793, une pétition est adressée à la Convention par la Commune de Paris au sujet des subsistances. Dans la séance du 28 avril, Phéli’ppeaux propose l’établissement du maximum. «Une ligue de scélérats d’autant plus dangereuse qu’ils agissent dans les ténèbres, veut réenchaîner le peuple par la famine et la guerre civile. Vous connaissez le caractère atroce des gouvernements despotiques : ils pourraient nous mener fort loin avec le levier des subsistances et non seulement affamer le peuple, mais faire arriver progressivement la nourriture de nos armées à un taux ruineux pour le Trésor public. Nous devons considérer la France, dans son état actuel, comme une ville assiégée. D’autre part, la trop grande masse des signes d’échange a produit l’effet naturel d’enfler la valeur relative des choses échangées. Le but à atteindre est donc double ; il faut assurer les subsistances en mettant fin aux accaparements, il faut abaisser le prix des choses ». Phélippeaux propose en conséquence la fixation d’un maximum qui puisse forcer le marchand ou le fermier à vendre à un prix plus bas que celui qu’il demande ; mais, pour faire cesser les accaparements, il faut que le maximum soit d’abord fixé au prix de vente résultant du libre jeu du commerce ou même à un prix très supérieur, puis, qu’il aille en décroissant de mois en mois. De la sorte, le fermier et le marchand auront intérêt à fournir immédiatement les marchés et à vendre leurs grains le plus tôt possible. Tel était le but de ce maximum qualifié de décroissant, dégradatif ou diminutif. Phélippeaux ne songeait pas qu’avec ce système de taxation décroissante, le marchand s’abstiendrait désormais d’acheter des grains qu’il serait exposé à revendre moins cher. L’objection fut présentée par Real sans cjue la Convention en tînt compte. Toutefois, lamesure ne passa pas sans discussion ; et il est curieux de voir que, dès le début, elle rencontra d’énergiques résistances. Ducos montra que les fermiers refuseraient de vendre le blé même de qualité inférieure au-dessous du maximum fixé par la loi ; il montra la difficulté d’établir les prix où il faudrait faire entrer les avances de la semence, celles de la culture, l’achat des bestiaux, des instruments aratoires, le coût des transports, enfin le prix du travail du laboureur et du fermier. Si le prix du grain n’était pas fixé en proportion avec la cherté des autres comestibles et les éléments qu’il venait d’indiquer, le cultivateur, ajoutait-il, ne tirant aucun produit de l’exploitation de son champ, cesserait de le cultiver-, la plus grande partie des terres seraient en friche Tannée suivante et le peuple mourrait de faim.

Le mercredi 1 er mai 1793,unedéputationde citoyens et de citoyennes de Versailles était admise à la barre ; elle portait une bannière avec cet écriteau : « Nous demandons la taxe des grains. » Puis c’est une députation du faubourg Saint-Antoine qui est introduite dans la Convention. « Depuis longtemps vous promettez un maximum général sur toutes les denrées nécessaires à la vie... Toujours promettre et ne rien tenir ! ... Si vous n’admettez pas nos moyens de sauver la chose publique, nous vous déclarons que nous sommes en état d’insurrection. Dix mille hommes sont à la porte de la salle ! » Sur la proposition de Danton, la Convention accorda les honneurs de la séance aux pétitionnaires. C’est de la discussion qui suivit, faite dans le tumulte et sous la pression populaire que sortit le décret du 3 mai 1793. Aux termes de ce décret, tout marchand ou propriétaire de grains et farines était tenu de faire, à la municipalité du lieu de son domicile, la déclaration de la quantité et delà nature des grains qu’il possédait. Il était défendu de vendre des grains ou de la farine autre part que dans les marchés publics, que les directoires de département étaient autorisés a établir partout où cela serait nécessaire. Il était cependant permis aux particuliers de s’approvisionner pour un mois chez les marchands de leur canton, moyennant un certificat de la municipalité constatant qu’ils ne faisaient pas le commerce des grains. Les corps administratifs étaient autorisés à requérir l’apport nécessaire dans les marchés. Pour parvenir à fixer le maximum du prix des grains dans chaque département, les directoires de district étaient tenus d’adresser à celui de leur département le tableau des