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de vue de l’intérêt général, l’ancienne organisation avait, au point de vue social, certains avantages qu’on ne saurait méconnaître. Entre autres choses, elle permettait à un plus grand nombre d’employés de parvenir au patronat. Il est bon que, dans une démocratie comme la nôtre, chaque homme laborieux puisse entrevoir la possibilité de devenir à son tour chef de maison et de fonder, avec un foyer stable, un établissement que ses enfants conserveront et développeront. Or, cette perspective est devenue plus étroite. Bien que tous les hommes qui ont fondé les immenses magasins dont’le succès suscite tant de récriminations, soient sortis des rangs du peuple ou de la très petite bourgeoisie, le nombre des patrons étant avec la nouvelle organisation forcément plus limité, ce n’est qu’exceptionnellement qu’un employé peut devenir patron. Et puis le petit commerce créait entre les diverses classes de la population une foule de liens sociaux assez difficiles à définir, mais très réels ; il établissait des rapports de bon voisinage, de solidarité, de rapprochement mutuel entre les habitants d’une même rue et d’un même quartier. Ces rapports n’existent pas entre le public et les grands magasins. De ce côté, les regrets sont légitimes, car les considérations de sentiment ■ ont bien leur part, même en économie politique. Mais encore conviendrait-il de ne pas exagérer les quelques. avantages moraux du petit commerce. Cette ambition très légitime qu’a l’employé de s’établir à son compte est un puissant stimulant, mais elle a été cause de bien des ruines. Combien d’employés ont-ils englouti le fruit de leurs économies et Y avoir de leur famille dans l’achat de boutiques qu’ils n’ont pu ou qu’ils n’ont su diriger ?

Que l’on compare la situation d’un 

employé d’une grande maison, qui est assuré de son lendemain et qui a le droit de compter sur une pension de retraite avec celle d’un malheureux détaillant, aux prises avec les redoutables difficultés de chaque jour, et l’on verra de quel côté sont le beau rôle et la véritable indépendance morale.

y a là l’application d’une loi fatale : 

c’est que les générations futures doivent s’attendre à trouver une amélioration de leur sort bien plus par une réduction du prix des choses nécessaires à la vie que par une augmentation dans le taux des salaires, des émoluments et des revenus. Obtenir le plus de ] choses possibles pour le moindre prix, tel est le problème à résoudre et dont la concentration en grands magasins a résolu une partie. Et, bien que cette forme nouvelle de la concentration du commerce de détail n’ait pas encore atteint son complet développement, MAINMORTE

déjà on peut voir poindre l’innovation qui lui succédera. Nous voulons parler de l’association coopérative de consommation qui, en supprimant une partie des frais généraux qui pèsent sur le commerce concentré, tels que ceux relatifs à la direction, à la rémunération du capital social et surtout aux frais de publicité, diminuera d’autant le prélèvement du prix de revient de la marchandise, Essayer de paralyser ce mouvement par un ensemble de mesures fiscales et arbitraires, c’est d’une part se heurter à une impossibilité, car la forcedes choses est plus forte que les entraves administratives et, d’autre part, c’est retarder, au seul profit d’une classe de la population, celle des détaillants et des boutiquiers, l’avènement d’un état social qui déjà à l’étranger, en Angleterre notamment, a donné appréciables résultats.

Georges Michel. *

MAINMORTE.

SOMMAIRE

. Définition.

. Raison d’être des biens de mainmorte. . Intervention de la loi.

Bibliographie,

. Définition.

Il y avait en France avant 1789 des gens de mainmorte et des biens de mainmorte ; il n’y a plus aujourd’hui que des biens de mainmorte.

Les gens de mainmorte étaient à l’origine des serfs d’une certaine sorte ; ils n’étaient plus à la fin que des gens vivant en communauté par famille sans avoir de biens propres. C’est la situation actuelle de la plupart des paysans russes et serbes où la famille possède et a des droits, mais non les individus. Cette situation ne se trouvait plus en France en 1789 que dans quelques districts de la Franche-Comté ou du Nivernais, et il paraît que les intéressés ne la trouvaient pas pénible, car ils la maintinrent en plusieurs lieux de leur propre volonté, même après l’abolition des conditions légales qui la réglaient. La communauté des Jault, que M. Dupin avait découverte dans le Nivernais et qu’il proposait comme un modèle, n’était qu’une ancienne communauté de mainmortables qui avaient par tradition et par goût conservé l’ancien état de choses. Elle n’existe plus aujourd’hui.

Par contre, il y a encore en France des biens de mainmorte ; il y en a dans tous les pays qui ont une civilisation et il y en aura tant que ces pays n’auront pas adopté une organisation communiste donnant tout a l’État, c’est-à-dire tant qu’ils laisseront