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pier, les cartons, jusque sur la poudre à perruques. En 1748, la guerre avait accru la dette de 1200 milions de francs et doublé les impositions de tout genre. Tel est Machault dans la première période de son administration ; voici maintenant la seconde. La paix est à peine rétablie qu’il se montre réformateur intelligent. Il prend des mesures qui raniment le commerce et l’industrie et relèvent l’aisance publique. Il fait établir la liberté entière du commerce des grains dans l’intérieur du royaume et leur ouvre librement deux ports de la Méditerranée ; il décharge de tout droit soit à l’entrée soit à la sortie les fumiers, cendres de houille et autres matières servant à l’engrais des terres ; il remet aux campagnes trois millions d’impositions sur la taxe dite d’ustensiles ; il affranchit de toute taxe d’importation les matières premières dont manquaient nos fabriques, c’est-à-dire les laines non filées, les cotons bruts, les chanvres et lins en masse, les poils de chèvre et de chameau ; pour protéger la marine nationale, il double le droit de fret sur les navires étrangers ; enfin, il fait cesser la perception de l’impôt du dixième de guerre. (Édits, déclarations et arrêts du conseil de 1749, 1751, 1734.) C’étaient là des réformes notables. Éclairé par l’expérience des affaires, Machault tente encore plus. Il avait reconnu, dit Bailly, que les principes élémentaires des finances en France étaient défectueux. Il entreprend de les rétablir sur des bases rationnelles. Dans ce but, il veut : 1° rétablir le crédit en remboursant la dette ; 2° organiser une répartition plus équitable de l’impôt.

Pour y arriver il fonda la Caisse d’amortissement (V. Amortissement) ; cette caisse devait arrêter, par un remboursement continuel, l’accroissement exagéré de la dette nationale. Il fallait l’alimenter ; il y pourvut en établissant l’impôt des vingtièmes. Cet impôt avait pour caractères principaux d’être illimité dans sa durée, universel dans son application,portant sur tout genre de revenus, excepté les rentes sur l’État ; proportionnel au revenu, il était conçu de façon à faire du revenu territorial non pas la source unique, mais la base du revenu de l’État. Dans l’esprit de son inventeur, ce devait être un impôt élémentaire destiné à élargir plus tard ses effets, à remplacer progressivement les autres contributions personnelles ou foncières inégalement onéreuses aux diverses classes sociales, et à répartir également le poids de l’impôt en y assujettissant les classes sociales qui y étaient soustraites. Machault rêvait d’établir l’égalité universelle devant l’impôt.

MACHAULT

C’était une réforme d’une immense portée et d’une exécution très compliquée. A cette époque, en effet, les exemptions d’impôts étaient multiples. La noblesse était censée donner son service personnel, le clergé ses prières et ses soins aux pauvres en échange de l’exemption de tout impôt. Certaines villes et provinces jouissaient d’exemptions spéciales, en vertu de concessions régulières, ou même en vertu de traités formels. C’étaient là des droits positifs auxquels le ministre réformateur n’opposait qu’une théorie ; il affirmait que « quelles que fussent les concessions ou conventions, elles ne pouvaient porter atteinte aune justice primitive et inaltérable qui exige que les charges qui ont pour objet le maintien de la propriété soient supportées par les propriétaires ». Il agissait en révolutionnaire, en ce sens qu’il opposait le droit de la raison et de la justice éternelle aux droits traditionnels et aux faits acquis. La Révolution étendra à toutes choses le raisonnement que Machault appliquait à l’impôt. L’opposition à la réforme qu’il entreprenait fut des plus vives. Elle vint des pays d’États et du clergé ; celle des pays d’États fut d’abord brisée ; sur l’ordre du ministre, les intendants y firent la répartition de l’impôt sans la participation des députés du pays. Mais Machault succomba devant l’opposition du clergé.

Ce dernier corps avait déjà à se plaindre du ministre. Dès 1747, Machault avait fait rendre un édit défendant « tout nouvel établissement de chapitre, collège, séminaire ou maison religieuse sans permission expresse duroi ». En vertu d’un autre édit de 1749, les possesseurs de biens de mainmorte s’étaient vu interdire de faire « aucune acquisition d’immeubles, droits réels, rentes foncières rachetables ou non, même de rentes constituées sur particuliers, sans en avoir auparavant obtenu l’autorisation par lettres patentes ». Cette disposition obligea le clergé à reporter ses placements sur les valeurs mobilières et fit par suite monter les fonds de l’État. Mais c’étaient là des entraves à l’indépendance dont le clergé avait l’habitude. On peut croire qu’il n’en fut pas satisfait.

L’établissement des vingtièmes lui fut plus désagréable encore. La déclaration qui l’ordonnait enjoignait en même temps de constater dans les six mois la valeur de tous les biens ecclésiastiques du royaume ; elle laissait entendre que la chambre ecclésiastique des décimes dissimulait une partie des propriétés du clergé. Celui-ci se plaignit qu’on portât atteinte à son honneur en supposant ses membres capables de prévarication, Il