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avait constamment agi para-coups, usant de violence, et abandonnant ensuite les projets qu’il avait voulu d’abord imposer d’autorité. Ces saccades d’arbitraire avaient énervé le pouvoir entre ses mains. Il ne vit qu’un moyen de rétablir le calme, c’était d’avancer la date de la convocation des états généraux ; le 8 août 1788 un arrêt du conseil d’État fixait au 1 er mai 4789 l’ouverture de leur tenue, et suspendait en même temps l’établissement de la cour pléaière. Toutes les fautes accumulées par Brienne n’avaient pas encore réussi à lui faire perdre son crédit à la cour. Mais enfin, les embarras du Trésor le conduisirent à proposer une mesure dans laquelle l’opinion vit un commencement de banqueroute et qui détermina sa chute. Le 16 août, un arrêt du conseil d’État suspendait 76 millions de remboursements ; d’autres engagements du trésor royal, venus à échéance, ne devaient plus être acquittés que dans l’espace de dix-huit mois, en tout ou en fractions, suivant leur nature, et non pas en espèces, mais en billets du Trésor portant intérêts à 5 p. 400 et recevables de préférence lors du premier emprunt à émettre. L’irritation des créanciers de l’État fut extrême ; le roi abandonna Brienne. Le 25 août 1788, celui-cise retirait, en apparence volontairement, et conseillait au roi de prendre Necker à sa place. La carrière p olitique de Loménie de Brienne ne fut marquée que par une suite d’insuccès. 11 eut de grands projets, et ne sut pas les exécuter ; or, dans tous les arts, c’est l’exécution qui est tout. Mais il faut reconnaître que la situation était alors inextricable. Si le gouvernement manquait de ressources, c’est que la richesse était aux mains des classes privilégiées, clergé et noblesse, et que ces classes, de fait ou de droit, étaient exemptes d’impôts. Mais les privilégiés étaient ceux qui fournissaient à la royauté son plus ferme appui et ses meilleurs instruments. Aucune réforme ne se pouvait faire sans eux, et toute réforme se faisait fatalement contre eux. On était donc invinciblement conduit à une révolution destinée à changer les bases mêmes de la société. Quel ministre ou quel roi aurait été de taille à conduire cette révolution ? Les fautes de Brienne ont précipité le résultat plus qu’ils ne Font amené. Eût-il été aussi supérieur qu’il fut médiocre, il reste incertain qu’il eût pu réussir.

Mais il était essentiellement médiocre ; il songeait surtout à lui-même ; il s’était fait nommer cardinal ; il se retirait avec 800 000 francs de pensions et de bénéfices ; il avait enrichi s& famille ; il ne négligea rien pour conserver ce qu’il s’était acquis.’ Il manifesta son adhésion à toutes les mesures qui furent prises par les assemblées en 1794 et 1792. Mais il paraît que ce fut la peur qui lui arracha cette adhésion. Il assura même, dans un discours rendu public, que les opérations de son ministère n’avaient eu pour but que d’amener la crise salutaire de la Révolution. Tout cela n’empêcha pas qu’il fût arrêté comme suspect pendant la Terreur. Il mourut en prison le 16 février 1794. On prétend qu’il s’empoisonna par crainte de l’échafaud. Jean Le Roy.

Bibliographie.

Mémoires de Necker. — Montgaillaru, Histoire de France

— De Monthvqn, Particularités sur les ministres des finances (à. l’article Necker). — Dhoz, Histoire de Louis XVI. — Mémoires de Backaumont. — Mémoires de La Fayette. — ■ Introduction cm Moniteur. — Recueil de l’Assemblée des notables, etc. etc.

LOTERIES. — V. Jeu.

LOUAGE. — V. Tenure, Travail.

LOUIS (Louis-Dominique, baron), homme d’État et financier français, né à Toul, le 13 novembre 1755, mort à Bry-sur-Marne le 26 août 1837.

Cadet d’une famille de robe, le baron Louis fut d’abord dirigé par ses parents vers l’état ecclésiastique qu’il abandonna bientôt. Nommé en 1780 conseiller au parlement de Paris, et attaché à l’une des chambres des enquêtes, il en devint un des rapporteurs les plus distingués. Ami dePanchaud et de Mollien, il s’adonna, dès le début de sa carrière, aux études économiques et financières. Pendant la Révolution, il se vit contraint de fuir pour échapper à la proscription, et chercha un abri en Angleterre. Il sut mettre à profit le séjour qu’il y fit et se livra à l’étude des finances de ce pays. Sous le consulat, le baron Louis fut appelé à la présidence du bureau central de liquidation du ministère de la guerre.

L’empereur le chargea peu de temps après d’organiser la comptabilité de la Légion d’honneur et le nomma maître des requêtes au conseil d’État, puis conseiller d’État. Dans ces fonctions, le baron Louis plaida plus d’une fois la cause du respect des engagements de l’État. On connaît la réponse que, dans une. séance du conseil d’État, il fit un jour à Napoléon, alors que celui-ci s’efforçait de faire rejeter une créance onéreuse pour le Trésor. « Un État qui veut avoir du crédit, doit tout payer, même ses sottises. » Mollien, devenu ministre du Trésor, appela le baron Louis